Economie




James Claude : « Numérisation de l’Afrique : si la vision est claire, le reste suivra »

Créé il y a vingt ans et historiquement positionné sur l’Afrique, Global Voice Group (GVG) fournit aux gouvernements et aux…

Créé il y a vingt ans et historiquement positionné sur l’Afrique, Global Voice Group (GVG) fournit aux gouvernements et aux autorités de régulation des solutions informatiques de gouvernance, d’assurance revenus et de conformité réglementaire. Initialement focalisé sur le monitoring du trafic voix et données, le groupe a progressivement diversifié ses outils pour répondre aux enjeux de la numérisation du continent. Explications de James Claude, son PDG.

 

Que faut-il retenir du bilan de GVG en Afrique, où le groupe est implanté depuis sa création ?

Suite à la libéralisation du marché des télécoms, dans les années 2000, GVG est devenu un partenaire clé des régulateurs en leur permettant de mettre en place des outils de recouvrement des taxes dues par les opérateurs, d’abord en appliquant une micro-taxe sur les appels entrants grâce au monitoring, qui a permis d’optimiser la qualité de service et les recettes de l’Etat, puis en les dotant progressivement des outils technologiques nécessaires aux bonnes prises de décision.

 

Quels sont les exemples les plus emblématiques ?

En 2008, nous avons déployé au Congo Brazzaville une plateforme de monitoring de l’ensemble du trafic téléphonique. Depuis, le régulateur local fait figure d’exemple en Afrique centrale. Nous avons aussi obtenu d’excellents résultats en partenariat avec les autorités fiscales et les  banques centrales en Tanzanie, au Rwanda et au Ghana face aux problématiques soulevées par l’essor du mobile money. GVG a commencé avec une solution et aujourd’hui, onze plateformes répondent aux divers besoins de nos partenaires, dans une douzaine de pays.

 

En quoi consistent vos dispositifs anti-fraude et anti-blanchiment d’argent, plus méconnus ?

La fraude par SIM box, qui permet de faire passer un appel international pour un appel local via Internet, entraîne un manque à gagner pour l’Etat et les opérateurs, en plus d’altérer la qualité de service. Notre service de détection directe de ce type de fraude est le premier du genre. À ce jour, les millions d’appels passés au crible ont permis d’identifier plus de 300 000 numéros uniques frauduleux.

Notre solution anti-blanchiment d’argent, qui commence à être déployée, va compléter et renforcer le dispositif de monitoring des transactions d’argent mobile en donnant une visibilité totale sur les transferts d’argent à l’échelle nationale et internationale.

 

Vos missions de prestataire technique des autorités publiques vont-elles forcément à l’encontre des intérêts des opérateurs ?

Nous avons un objectif : permettre aux régulateurs de défendre leurs prérogatives. En fournissant des informations fiables et complètes sur le volume traité par chaque opérateur, le monitoring du trafic téléphonique permet aux Etats de s’assurer du paiement de ce qui leur est réellement dû, tout en évitant aux opérateurs des sanctions pour défaut de facturation. Par notre action, nous contribuons à la visibilité et à la transparence du secteur.

 

Au-delà du cadre national, dans quelle mesure contribuez-vous à la numérisation du continent ?

La transformation numérique de l’Afrique implique un effort régional, d’où l’importance du partenariat avec Smart Africa. Nous sommes un partenaire privilégié de cette Alliance, qui oeuvre au développement socio-économique de l’Afrique grâce au levier des TIC, en l’accompagnant sur la voie d’un marché numérique unique. C’est un projet de longue haleine, qui bénéficie du soutien de l’Union africaine et comprend de multiples volets tels que les infrastructures et l’identification numérique, la formation, l’harmonisation réglementaire, la confidentialité des données etc. L’idée n’est pas de se caler sur ce qui s’est fait en Europe mais de s’adapter à la réalité africaine en travaillant par exemple sur des alternatives à la fibre optique pour interconnecter les pays africains, ce qui permettra d’avancer beaucoup plus vite.

Grâce à notre longue expérience sur le continent, nous avons une idée claire des défis auxquels les autorités sont confrontées, au premier rang desquels le financement de programmes numériques ambitieux et le manque de données disponibles pour la prise de décisions. C’est pourquoi la collecte de données et la gestion du Big data sont au coeur de toutes nos solutions.

 

Compte tenu des besoins, quelle est la feuille de route de GVG pour contribuer à la numérisation des pays africains ?

Quand on parle de transformation numérique, la question de l’identité numérique est centrale : c’est ce qui permettra aux citoyens de participer activement à l’économie numérique. Dans de nombreux pays, l’état civil est défaillant, ce qui exclut les citoyens de l’économie réelle. Il faut sensibiliser les gouvernements à ce problème. L’un des moyens d’y remédier, c’est de consolider une base de données des abonnés téléphoniques. Vu le taux de pénétration de la téléphonie mobile en Afrique, ce canal permet une base solide d’identification de la population. Il s’agit pour l’instant d’enregistrer les abonnés des différents opérateurs dans la plateforme commune de registre SIM afin de créer une base de données nationale.

Une identification numérique appropriée permettra au gouvernement de fournir de meilleurs services à ses citoyens. Combinée à nos plateformes d’acquisition de données, elle contribuera à mieux lutter contre l’usurpation d’identité et les autres types de fraude associés à l’économie numérique.

 

Pourquoi l’Estonie est-elle souvent citée comme modèle de nation numérique ?

Ce petit pays de l’ex-URSS a misé sur les nouvelles technologies pour construire son administration jusqu’à devenir leader mondial de la transformation numérique. Aujourd’hui, tous les services sont disponibles en ligne, n’importe quel acte de la vie quotidienne peut se faire en quelques clics, même voter ! Aux dernières élections, 60 % de la population a voté en ligne. L’identification numérique y est très bien faite, c’est un modèle à suivre, transposable en Afrique et c’est pourquoi GVG y a ouvert son centre de R&D. Tout est une question d’investissement. Si la vision est claire, le cadre réglementaire et institutionnel suivra.

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