Sahel : « Il faut laisser l’initiative aux Sahéliens » (expert)

En raison de sa pertinence, nous rééditons cet entretien, avec le Général à la retraite, Bruno Clément-Bollée, ancien Directeur de la Coopération de sécurité et de défense au ministère français des Affaires étrangères, initialement publié le 15 janvier dernier. Il y estime qu’« il ne faut pas essayer de trouver une solution » au Sahel sans les Sahéliens.L’armée française s’est initialement engagée contre les groupes jihadistes au Sahel le 11 janvier 2013. Sept ans plus tard, le président Macron reçoit ce lundi 13 janvier 2020 à Pau, les cinq chefs d’Etat des pays sahéliens où l’armée française est engagée. Est-ce la preuve d’un engagement grandissant de Paris au Sahel ?

La France est dans l’impasse au Sahel et elle a besoin de trouver une solution urgente pour éviter un échec total de l’opération Barkhane qui depuis 2014 a pris le relais de Serval. Cette opération au Mali avait inauguré en 2013 l’engagement militaire français actuellement en cours dans cette région. Serval puis Barkhane ont permis d’obtenir des succès indéniables sur le terrain : la libération des villes du nord du Mali qui, jusqu’en janvier 2013, étaient occupées par les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et l’élimination de certains chefs importants de ces groupes. Mais à mesure que cette présence se prolonge, les groupes jihadistes se sont reconstitués, adaptés et arrivent même aujourd’hui à imposer leur agenda aux soldats français et à leurs alliés africains sur le terrain. La plupart des grandes attaques les plus spectaculaires et meurtrières leur reviennent. Désormais, ce sont les jihadistes qui décident de quand, où et comment frapper sur les armées engagées au Sahel.

Quand l’armée française était arrivée au Mali en 2013, les Maliens et les opinions sahéliennes de manière générale avaient largement apprécié et soutenu ce déploiement des militaires français. L’incapacité de Barkhane et de ses alliés africains à venir à bout des groupes jihadistes et l’extension de la menace jihadiste un peu partout dans la région a conduit à un changement dans la perception des opinions locales sur cette présence militaire étrangère. D’une armée de libération en quelque sorte, les soldats français au Sahel sont de plus en plus considérés comme une armée d’occupation.

Comment interprétez-vous ces critiques de plus en plus hostiles à la présence française et étrangère dans le Sahel ?

Quand on se met à la place de populations qui chaque jour voient la violence s’amplifier et s’étendre dans toute la région où des milliers de soldats étrangers et locaux sont engagés sur le terrain, il est normal qu’on se pose des questions. Les Sahéliens ont largement approuvé l’intervention française au Mali en 2013 pour chasser les groupes jihadistes qui avaient occupé la moitié nord du pays et qui menaçaient les pays voisins. Sept ans plus tard, ces mêmes Sahéliens voient leur sécurité menacée quotidiennement. Or, cette présence massive de militaires étrangers parmi les meilleurs du monde ne parvient pas à prévenir ou empêcher les attentats, les assassinats, les massacres de civils et les attaques de garnisons. Comment ne pas comprendre ce changement de perception chez les populations locales ? Si une amélioration notable n’est pas enregistrée rapidement sur le terrain, il ne faut pas s’étonner que ces critiques actuellement limitées, se transforment en une pression populaire massive réclamant le départ des forces étrangères, françaises en tête.

Le sommet de Pau organisé lundi 13 et mardi 14 janvier par le président français autour des cinq chefs d’Etat du Sahel peut-il être l’occasion de calmer les opinions africaines critiques à l’égard de la présence militaire française au Sahel ?

La manière avec laquelle ce sommet a été décidé est maladroite. Cette rencontre a été programmée au lendemain de la mort de treize soldats français au Mali en décembre dernier. En l’annonçant, le président français, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il voulait obtenir des chefs d’Etat du Sahel une clarification de leur position sur la présence française dans la région alors que les critiques se multiplient dans ces pays contre Barkhane. Le ton utilisé par Macron a donné à ses propos des allures de convocation qui passe très mal au sein des opinions africaines. Il fallait certes rendre hommage aux militaires français qui ont perdu la vie en décembre au Mali. Mais il fallait adopter un ton moins arrogant que celui avec lequel avait parlé le président Macron, dont les propos ont été ressentis comme très arrogants au Sahel où les populations civiles et les militaires locaux sont les premières victimes des groupes jihadistes.

Tenir ce sommet à Pau est aussi une erreur. La guerre contre les groupes jihadistes se déroule au Sahel et pas en France. Le sommet devait donc avoir lieu dans un des pays du Sahel.

Le contexte international actuel ne plaide pas non plus pour la tenue de cette rencontre en France. S’il y a un message à adresser à l’opinion française ou internationale, la date n’est pas la bonne. Le monde entier est aujourd’hui préoccupé par la situation au Moyen-Orient où un risque de guerre entre les Etats-Unis et l’Iran est perceptible. Il y aussi l’Australie où les incendies gigantesques menacent de ravager ce pays-continent et enfin les grèves qui paralysent la vie des Français sans qu’une solution en soit visible pour le moment.

Le sommet de Pau risque donc de passer inaperçu en France alors qu’en Afrique, il est très suivi, commenté et surtout très critiqué.

Que faut-il faire alors ?

La situation au Sahel concerne avant tout les Sahéliens. Il ne faut pas essayer de trouver une solution sans eux. Les concepts élaborés à New-York, Paris ou Bruxelles ne peuvent pas être appliqués au Sahel sans que les Sahéliens eux-mêmes aient leur mot à dire. Ils connaissent mieux l’environnement local, les problèmes et les populations.

L’idée d’une force conjointe sous-régionale imaginée dans le cadre du G5 Sahel constitue un dispositif sur lequel la France et ses alliés peuvent s’appuyer quitte à pousser à un remodelage du concept originel. Au lieu de bataillons qui patrouillent le long des frontières entre deux des cinq pays, il faudrait envisager des unités sahéliennes composées de soldats des différents pays, intégrées et opérationnelles sur le terrain. Le mode actuel qui est essentiellement bilatéral a prouvé ses limites.

Mais cela ne peut marcher sans certains prérequis : faire confiance aux Africains, les aider sérieusement à élever le niveau de leurs armées pour qu’elles puissent être aussi professionnelles que les armées étrangères, cesser de leur imposer des solutions conçues ailleurs, et enfin donner le temps à ces armées pour se mettre à niveau et être opérationnelles. La situation s’est tellement dégradée au Sahel, qu’il faut au moins une génération pour que la stabilité y revienne. Croire qu’une solution rapide est possible, est illusoire.

Comment faire confiance à des pays dont les gouvernements sont presque tous considérés par leurs propres populations comme peu vertueux ?

Le déficit de confiance qui existe entre certains régimes et leurs populations est un problème urgent à résoudre. Comment faire confiance à un gouvernement dont le pays est amputé de sa moitié, avec une armée en cours de reconstruction, qui se permet d’acheter un avion présidentiel et en plus dans des conditions jugées obscures par tous ?

Le silence sur ce genre de pratiques des partenaires internationaux, dont la France, crée une situation très gênante. En se taisant sur ce genre d’actes, la France paraît aujourd’hui aux yeux de certains Africains comme complice, ne serait-ce que selon l’adage « qui ne dit mot consent ».

Il faut absolument que la France et ses alliés au Sahel se montrent plus regardants sur la qualité de la gouvernance et le respect des lois. La France n’a pas intérêt à être accusée une nouvelle fois d’avoir failli à son devoir moral comme elle l’a été au Rwanda en 1994 lors de l’opération Turquoise.

Des initiatives locales émanant d’Africains sont en cours dans la région. Elles méritent d’être appuyées par la communauté internationale. Au Mali, la plateforme de lutte contre la corruption et le chômage du professeur Clément Dembélé fait un excellent travail qui doit être soutenu. Au Sénégal, la société Transvie qui propose des couvertures médicales très adaptées aux pratiquants des petits métiers en Afrique de l’ouest est à encourager. Au Tchad et en Mauritanie, les forces de défense et de sécurité ont montré qu’elles sont capables d’inventer des solutions adaptées aux réalités sahéliennes en matière militaire. Ces deux pays disposent aujourd’hui d’outils sécuritaires qui ont fait leur preuve avec les unités méharistes mobiles dotées de dromadaires et de véhicules légers très efficaces pour la collecte du renseignement sur le terrain et même le combat. Ce genre d’initiatives locales montre que les Sahéliens sont capables de proposer des solutions adaptées au terrain. Il suffit de les encourager et de leur fournir les moyens nécessaires pour qu’ils puissent être plus performants. Ce qui n’est pas le cas, hélas. C’est scandaleux aujourd’hui, sept ans après le début de la guerre contre les jihadistes au Sahel de voir les chefs d’états-majors des armées sahéliennes obligés de mendier auprès de la communauté internationale du matériel et des armes.

L’Union Africaine est « préoccupée » par la crise malienne

Le président de l’exécutif de l’Union, Moussa Faki Mahamat déplore « la grave crise » qui sévit ces dernières semaines au Mali.Après les tentatives de médiation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), c’est au tour de l’Union Africaine (UA) de se prononcer sur la situation politique au Mali.

Dans un communiqué reçu ce lundi à APA, le président de la Commission de l’UA se félicite tout d’abord « du caractère pacifique revêtu jusqu’ici  par ces manifestations et encourage vivement tous les acteurs à éviter tout recours à la violence quelle que soit sa forme ».

Moussa Faki Mahamat exhorte ensuite « les parties à travailler ensemble en vue de trouver des solutions consensuelles de sortie de crise prenant en compte les aspirations du peuple malien et de ses forces vives ».

Enfin, le président de la Commission de l’UA « exprime son soutien aux efforts de la Cedeao et l’assure de la pleine solidarité de l’Union Africaine pour concrétiser le soutien de l’Afrique au gouvernement et au peuple malien dans cette phase cruciale de son histoire ».

Sous l’impulsion du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), des milliers de Maliens ont récemment participé à deux rassemblements à la Place de l’indépendance de Bamako pour exiger la démission immédiate du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta.

Mali: la légitimité du régime est arrivée à « l’épuisement » (chercheur)

Au Mali, la vague contestataire qui réclame le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta découle du délitement de son régime, analyse pour APA Boubacar Sangaré, Chargé de recherche basé à Bamako de l’Institut d’études de sécurité (ISS).Ce mois-ci, un collectif composé de la société civile, de religieux et de l’opposition politique a manifesté pour exiger la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Pourquoi ?

Il faut tout d’abord préciser que le mouvement de contestation a pris l’appellation de Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques après la première mobilisation à cette même date. Il s’agit d’une coalition hétéroclite qui réunissait au départ le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD), rassemblant des partis politiques opposés au président Ibrahim Boubacar Keïta, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (Cmas) et Espoir Mali Kura (EMK), dirigé par un ancien ministre dans les années 2000 et figure du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), situé dans l’extrême gauche. Ces manifestations, et la grande mobilisation qu’elles occasionnent, interviennent dans un contexte marqué par la dégradation continue de la situation sécuritaire liée aux actions des groupes extrémistes violents, aux conflits locaux et à la criminalité organisée transnationale. Il faut ajouter au tableau la précarité des populations, la crise sanitaire liée au coronavirus et ses effets sur les populations ainsi que la crise post-électorale marquée par la contestation des résultats des dernières élections législatives à Bamako et dans certaines capitales régionales. C’est ce cocktail détonnant qui a servi d’embrayeur à l’action protestataire en cours dont le mot d’ordre principal, à savoir la démission du président et de son régime, rappelle à quel point les institutions sont vulnérables et traduisent un certain épuisement de la légitimité du régime.

Parmi les leaders de la contestation, l’imam Mahmoud Dicko se distingue. D’où tire-t-il sa force, sa légitimité ?

Il est important de rappeler que l’imam Mahmoud Dicko fait partie des figures dans la sphère religieuse qui se sont distinguées par leur positionnement partisan, notamment lors de l’élection présidentielle de 2013 où il a soutenu le candidat Ibrahim Boubacar Keïta. Si en 2018 le retrait de son soutien au président Keïta l’a affaibli, il a su revitaliser cette position politique en surfant sur des questions sociétales comme l’homosexualité, l’éducation sexuelle complète ainsi que des évènements tragiques comme le massacre de civils par de présumées milices ethniques ce qui lui a permis de mobiliser notamment le 5 avril 2019 où la tête du Premier ministre, à l’époque Soumeylou Boubèye Maïga, a d’ailleurs été demandée. Après son départ de la tête du Haut-conseil islamique, il a créé la Coordination des mouvements, associations et sympathisants en septembre 2019, un mouvement politico-religieux à travers lequel il a organisé des meetings pour s’exprimer sur des questions sociétales et politiques. L’imam Dicko incarne un islam revendicatif, regardant sur la vie sociale et qui défend des positions. Cela lui a permis de gagner une grande influence, outre la clarté de son discours à très forte dose partisane. Enfin, c’est aussi quelqu’un qui incarne une société civile musulmane qui semble avoir découvert ses forces et qui émerge sur les cendres de la société civile laïque jugée inféodée au pouvoir.

Des milliers de Maliens ont répondu à l’invitation à manifester. Quel sens donner à cette mobilisation massive dans le contexte malien actuel ?

La contestation en cours, à travers des mobilisations fondées sur le recours à la rue, traduisent la gravité de la situation au Mali et peut être analysée comme une expression des frustrations réelles des populations. Au fil des ans, les Maliens ont été privés de tout moyen d’expression démocratique de leur mécontentement en dehors des manifestations de rue. De ce point de vue, l’Assemblée nationale porte une responsabilité immense dans la crise actuelle que traverse le pays. Les Maliens qui manifestent ne sortent en réalité pas pour tel ou tel dirigeant politique au sein du M5 – RFP. Ils n’ont plus confiance en cette classe politique qui n’a cessé de démontrer son incohérence au cours des dernières décennies. Parmi les acteurs qui animent aujourd’hui la contestation, certains ont soutenu la candidature d’IBK en 2013 et d’autres ont remis ça en 2018. Cette colère n’est pas non plus religieuse même si la figure de proue de la fronde est incontestablement l’imam Mahmoud Dicko.

Le président IBK se dit ouvert au dialogue. Il a d’ailleurs multiplié les rencontres dans ce sens. Cette démarche peut-elle désamorcer la tension ?

Le dialogue proposé par le président peut permettre de gagner du temps, d’apaiser la situation dans l’immédiat et de gérer la conjoncture. Mais il est clair que seuls de réels efforts pour prendre en compte les frustrations des populations et y apporter des solutions peut permettre de répondre à la crise sur le long terme. Ce qui est exprimé à travers la contestation en cours, c’est l’aspiration à mieux d’État.

Le chef de l’État propose la formation d’un gouvernement d’union nationale. Comment une telle idée est reçue au Mali ?

La proposition d’un gouvernement d’ouverture n’est pas nouvelle et semble galvaudée. Pour rappel, l’ancien président Alpha Oumar Konaré a été contraint d’installer une coalition gouvernementale en 1992-1993 avec des partis de l’opposition qui ont ainsi marchandé leur capacité de nuisance. Après lui, le président Amadou Toumani Touré a aussi expérimenté une forme de gestion consensuelle du pouvoir lui permettant d’entretenir ce que certains ont appelé “un clientélisme périphérique” des partis qui ont déserté l’opposition et qui a pris la forme d’un accord entre les élites pour annihiler les résurgences protestataires. Si le champ politique est resté fragmenté sous le président Keïta, il faut dire qu’il y a eu une recomposition depuis sa réélection et la signature de l’Accord Politique de Gouvernance (APG) qui a permis la formation d’un gouvernement d’ouverture. On a assisté à un ralliement quelque peu opportuniste au bloc du pouvoir d’opposants longtemps tenus éloignés des circuits de redistribution et qui reviennent pour le partage des ressources (“gâteau national”). Un gouvernement d’union nationale pour le partage du pouvoir, et donc des ressources comme c’est le cas dans le champ politique néo-patrimonial comme celui du Mali, peut éventuellement recueillir l’adhésion des leaders de la contestation mais il est clair que les manifestants ont d’autres attentes liées à leur quotidien, à l’ordinaire.

G5 Sahel: un bilan militaire prometteur quelques mois après Pau

Les forces du G5 Sahel affichent un bilan militaire prometteur, six mois après le Sommet de Pau, qui s’est tenu dans une ambiance de doute et un moral au plus bas, à la suite d’attaques terroristes très meurtrières et la mort de 13 soldats français.Cette série d’attaques avait remis en cause la légitimité de l’opération Barkhane, destinée à confirmer l’action de la France tout en réformant les objectifs : le Sommet de Pau qui n’a pas modifié les objectifs de Barkhane, sembla avoir tenu ses promesses.

L’opération Barkhane devait permettre de tenir le terrain face aux katibas djihadistes et accompagner les armées et Etats Sahéliens vers l’autonomie afin de tenir en échec la stratégie subversive des terroristes représentés par l’Etat Islamique (EIGS) et Al Qaida (RVIM). 

Toutefois, face à la fébrilité manifeste des armées sahéliennes, et aux djihadistes montant en puissance tant en qualité qu’en quantité, le Sommet de Pau déboucha sur une clarification de ses objectifs tant civils que militaires. 

Pour ces derniers, ils comprenaient la concentration géographique des opérations, la montée en force des armée sahélienne et l’accroissement de l’investissement international (Task Force Takouba, la « Coalition pour le Sahel », etc.). 

La mise en place du recentrage stratégique compris, dans les mois qui suivirent, a permis des modes opératoires divers mais tournés vers le même but : reprendre l’avantage.

Forces françaises et sahéliennes côtes à côtes vers la victoire…

Le trait le plus marquant de cette « réforme » permise par Pau est la consolidation du Partenariat militaire opérationnel (PMO). Ce dernier comporte trois volets. Le premier concernant l’amélioration des capacités d’Etat-major de la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S).  

La mise en place de cet Etat-Major ces derniers mois à notablement fait progresser les capacités de fusion et de partage du renseignement au sein de la FC-G5S et surtout la coordination de cette dernière avec l’armée Française.  

Le second volet porte sur le combat et vise à accélérer via la FC-G5S ou des unités nationales, le raccordement de troupes sahéliennes au sein des Sous-Groupements Tactiques Désert (SGTD) de Barkhane ou bien en autonomie (accompagnés éventuellement d’officiers de liaison). 

C’est ainsi qu’on a vu des unités maliennes ou nigérianes participer avec succès à des opérations majeurs (Monclar, Sama…). Le dernier volet concerne l’entrainement et l’amélioration des capacités de « Maintien en Condition Opérationnelle » (MCO – tout ce qui concerne l’entretien et la réparation du matériel et des véhicules ou des blindés).  

Ici, les progrès sont le plus visibles car l’armée française, et la mission EUTM (Union Européenne) ont inculqué aux forces locales des techniques de combat dignes d’armées modernes, même si le chemin est probablement encore long ! 

C’est ainsi qu’on a pu voir des troupes nigériennes demander, et coordonner, un appui aérien pour repousser avec succès (et avec les Mirages 2000) une attaque djihadiste ; ou bien observer les Guetteurs Aériens Tactiques Avancés (GATA) maliens conduire des frappes aériennes aux côtés des troupes françaises.   

Ces capacités opérationnelles rentrent dans le domaine de l’« aéro-combat » , selon le jargon militaire. C’est un marqueur réel d’efficacité pour une armée ! Enfin, on peut citer pêle-mêle des entraînements au sauvetage au combat ou bien la constitution de troupes versés spécifiquement dans le combat anti-terroriste (Unités Spéciales Antiterroristes-USAT). 

De son côté la France a augmenté son effectif de 600 hommes pour lui faire avoisiner un total de 5000 combattants.

… et la victoire est au rendez-vous

Aujourd’hui, six mois après Pau, on peut noter des résultats positifs, voire encourageants. La France a su assurer une meilleure coordination avec ses partenaires sahéliens et européens (Anglais, Danois, Estoniens…). 

La coalition pour le Sahel semble devenir une réalité. Toutefois, c’est dans la rationalisation de sa stratégie que la France semble avoir opéré une conversion importante tout en y intégrant les armées sahéliennes, renforçant dès lors leur autonomie et leur expérience. 

A présent, le dispositif Barkhane, la FC-G5 Sahel et la Minusma imposent une pression très importante sur les Groupes Armés Terroristes (GAT). Ces derniers, biens qu’insaisissables, cachés ou fondus dans la population (via l’instrumentalisation de certaines ethnies), ont été soumis à un rythme effréné d’opérations et constamment surveillés (et neutralisé) par le vol des drones français (MQ9-Reaper).

Désorganisés dans leurs trafics (source importante de revenus), leurs réseaux logistiques et voyant leurs dépôts être saisis ou détruits, et en perte de terrain, les terroristes semblent être affaiblis. Ne disposant pas de capacité de renseignements d’un Etat, ils ciblent leurs objectifs en fonction des opportunités. 

En leur imposant leur rythme et en concentrant leurs forces, les armées combinées de la France et du Sahel ont su leur dénier leur ancien avantage de surprise et d’initiative. Les Etats Sahéliens veulent reprendre en main toute l’administration et le contrôle de leurs territoires assaillis. 

Cependant, l’autonomisation effective des forces du G5 reste encore lointaine. Car, la guerre n’est pas gagnée, loin s’en faut, mais les succès engrangés, le moral renouvelé et l’inversion du rapport de force en faveur des coalisés laissent penser que la direction prise est la bonne, au regard des dispositions prises en janvier 2020 à Pau. 

Mali : l’étau se resserre autour du président IBK

Le Mouvement de contestation du 5 juin (M5) maintient la pression sur le chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta qu’il veut pousser à la démission.Comme le 5 juin dernier, la Place de l’Indépendance de Bamako a été prise d’assaut ce vendredi par des milliers de Maliens qui désapprouvent leur président de la République.L’Imam Oumar Diarra, l’un des meneurs du M5, y a dirigé la grande prière hebdomadaire.

Sous la houlette de ce collectif regroupant la société civile, des religieux et des opposants politiques, les manifestants ont fait montre de détermination. Leur objectif est le départ immédiat d’Ibrahim Boubacar Keïta qui n’aurait pas les capacités de présider aux destinées du Mali.

Au même moment, des ressortissants maliens se sont aussi mobilisés à Paris (France) en signe de solidarité. Parmi les leaders de ce mouvement de protestation, on distingue l’Imam Mahmoud Dicko. Ce dernier aurait même désigné, cet après-midi, « un groupe de manifestants pour se rendre à Koulouba, le Palais présidentiel, afin de (récupérer) la lettre de démission d’IBK ».

Pourtant, le chef de l’Etat malien, dans son adresse à la nation du 14 juin dernier, a tendu la main à ses pourfendeurs : « Je conviens qu’il m’appartient, à moi d’abord, de tout faire pour éviter d’ajouter une crise politique aux crises sécuritaire, sanitaire et économique que nous vivons déjà. Mon rôle est de savoir prévenir les schémas de confrontations violentes qui ne feront le bonheur de personne. C’est pourquoi j’invite au dialogue ».

Dans ce cadre, Ibrahim Boubacar Keïta a récemment reçu une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) qui se propose pour une médiation en vue de « l’apaisement du climat socio-politique».

En outre, le chef de l’Etat malien a multiplié, ces derniers jours, les rencontres puisqu’il « demeure convaincu que le dialogue reste l’élément fondamental de règlement de toute crise ».

Pour prouver sa bonne foi, IBK a annoncé la formation imminente « d’un gouvernement d’union nationale ». A le croire, « la trêve sociale (qu’il a souhaitée) ne procède d’aucune malice, d’aucune esquive, mais de l’analyse d’une triste réalité : la demande est forte et légitime, mais l’offre est modeste. Elle est celle d’un pays en guerre ».

Mais selon le Mouvement de contestation du 5 juin (M5), c’est « la gestion actuelle du régime en place, symbole de la décrépitude d’un système étatique décrié, (qui) a fini de précipiter (le Mali) dans l’impasse. Pire, au bord du gouffre ».

Mali : Deux Casques bleus tués dans une attaque

Deux soldats de la Mission des Nations-unies au Mali (Minusma) ont été tués, samedi soir, par des hommes armés dans la commune de Tarkint, au nord-est de Gao en proie aux attaques terroristes.Alors que le convoi effectuait la liaison Tessalit-Gao, des individus armés non identifiés ont attaqué samedi vers 19h GMT le convoi logistique qui était à l’arrêt, et tué deux soldats de la paix. Les Casques bleus de la MINUSMA ont riposté avec fermeté et mis en fuite les assaillants. 

Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Mali et chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, a condamné cette « attaque meurtrière ».

« Je tiens à exprimer mon indignation et ma profonde peine suite à l’attaque d’hier soir contre les forces de maintien de la paix des Nations Unies au Mali », a déclaré dimanche M. Annadif.

Ces Casques bleus sont « morts au service de la paix au Mali », a rappelé le chef de la Minusma, qui a également fermement condamné des « actes lâches qui ont pour but de paralyser les opérations de la Mission sur le terrain.

« Nous devrons conjuguer tous les efforts afin d’identifier et d’appréhender les responsables de ces actes terroristes pour qu’ils répondent de leurs crimes devant la justice,” a-t-il conclu.

 

Covid-19: La BAD mobilise 20m $ au profit du G5 Sahel

Les pays du G5 Sahel ont reçu une subvention de 20 millions de dollars de la Banque Africaine de Développement (BAD) pour faire face à la propagation du coronavirus, a annoncé jeudi l’institution financièreA la date du 11 juin, la maladie a infecté 5.661 personnes et fait 357 morts dans les pays du G5 Sahel qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.

« Cette opération complétera le développement et les actions humanitaires du vaste partenariat de l’Initiative de l’Alliance du Sahel au profit des plus vulnérables », a déclaré Yero Baldeh, Directeur du Bureau de coordination des Etats en transition à la BAD.

Selon la Banque, le financement du projet qui permettra aux communautés les plus vulnérables d’accroître leur résilience, en particulier les personnes déplacées à l’intérieur de leurs propres pays, ainsi que les réfugiés et leurs communautés d’accueil, dans les cinq pays formant le G5 Sahel.

Un montant supplémentaire de 1,37 million de dollars en fonds de subvention, provenant de la facilité de soutien à la transition de la Banque, sera également déployé dans les pays du G5 Sahel pour renforcer la capacité d’exécution et de coordination de son secrétariat permanent et soutenir la formation à la biosécurité et à la gestion des déchets biomédicaux dans les pays concernés.

Cet élargissement des fonds de subvention aux pays du G5 Sahel s’inscrit dans le cadre de l’enveloppe d’intervention Covid-19 de la Banque, pouvant aller jusqu’à 10 milliards de dollars, principal canal institutionnel d’aide aux pays africains afin d’amortir l’impact économique et sanitaire de la crise.

Les experts humanitaires disent que de nombreuses familles à travers l’Afrique, notamment au Burkina Faso et au Mali, ont été expulsées de leurs maisons, à un moment où le continent lutte pour contenir la pandémie.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) estime que le Burkina Faso a été en 2019 le pays africain ayant vécu la crise de déplacement la plus rapide en raison de la violence armée.

L’organisation humanitaire « a fourni de la nourriture à plus de 51.000 personnes déplacées dans le nord et des secours à 9.000 personnes dans l’est et le centre-est du pays ».

De plus, l’attaque armée de la semaine dernière dans le centre du Mali a laissé des villages incendiés, des troupeaux et des biens pillés ainsi que des familles tuées et d’autres contraintes de fuir.

Covid-19 : La CEDEAO va plancher sur les moyens de faciliter le commerce

Le Comité ministériel de coordination de la CEDEAO pour les transports, la logistique, la libre circulation et le commerce se réunit le 12 juin 2020 pour valider les recommandations sur la facilité du commerce et la circulation des biens et services pendant la période Covid-19.La réunion virtuelle examinera également des lignes directrices utiles sur la lutte contre le coronavirus en ce qui concerne les fournitures transnationales.

Le Comité ministériel évaluera également la large présentation des experts afin de donner le résultat de leurs délibérations et le soutien souhaité.

Selon une déclaration de la Commission de la CEDEAO publiée à Abuja, les principaux documents à adopter lors de la rencontre sont notamment les rapports de la précédente réunion d’experts ainsi que le projet de directives de la CEDEAO sur la facilité des échanges.

« La réunion comprendra également une présentation sur la situation épidémiologique en Afrique de l’ouest et les questions de transport, de logistique et de commerce liées à la lutte contre le coronavirus par le Directeur général de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS).

« Un communiqué reprenant l’ensemble des recommandations sur la voie à suivre concernant les questions abordées devrait être adopté à la fin de la réunion », indique le document.

Amnesty invite Bamako, Ouagadougou et Niamey «à mettre un terme» à la violence

Un rapport d’Amnesty International, parvenu mercredi à APA, appelle les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger « à mettre un terme à l’impunité concernant les violations régulièrement commises » par leurs forces de sécurité contre des populations non armées.Le document intitulé « Ils en ont exécuté certains et emmené d’autres avec eux : Péril pour les populations civiles dans le Sahel », demande aussi à ces pays à veiller à ce que les opérations militaires soient conformes aux droits humains et au droit international humanitaire.

En effet, des soldats de ces trois pays ont « tué illégalement ou soumis à des disparitions forcées au moins 199 personnes entre février et avril 2020 », a souligné l’ONG des droits humains. Elle précise que certains des homicides commis s’apparentent à des exécutions extrajudiciaires, des personnes déplacées internes faisant notamment partie des victimes.

Au Mali, l’armée a lancé des opérations de grande ampleur dans les communes de Diabaly et de Dogofry, dans la région de Ségou. Ces opérations ont donné lieu à diverses violations des droits humains à la suite d’attaques de groupes armés contre les forces de sécurité.

Amnesty International « a pu confirmer » au moins 23 cas d’exécutions extrajudiciaires ou d’autres homicides illégaux et 27 arrestations arbitraires suivies de disparitions forcées aux mains de l’armée malienne dans les communes de Diabali et de Dogofry, entre le 3 février et le 11 mars 2020.

L’ONG a également recueilli des informations faisant état de « violations flagrantes » des droits humains commises par les forces de sécurité du Burkina Faso entre mars et avril 2020. Dans au moins deux cas, les forces de sécurité ont soumis des personnes à des disparitions forcées – dont des personnes déplacées internes–, avant de les tuer.

Enfin au Niger, 102 habitants de la région de Tillabéri, dans le sud-ouest du pays, ont été arrêtés et soumis à une disparition forcée par l’armée dans le cadre de l’opération Almahou entre le 27 mars et le 2 avril 2020, relève Amnesty.

« L’insécurité règne au Sahel, où la population est piégée entre les attaques des groupes armés et les opérations militaires en cours. On sait que l’armée procède à chaque fois à des dizaines d’arrestations arbitraires, et que certaines des personnes arrêtées ne réapparaissent jamais, mais on ignore l’ampleur réelle des violations commises par les forces de sécurité », a déclaré Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.

« Jusqu’à présent, les engagements des gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger promettant de remédier à ces violations n’ont pas été suivis d’effet. Les autorités de ces pays doivent de toute urgence enquêter de manière rigoureuse sur ces violences, dont beaucoup pourraient constituer des crimes de guerre, et veiller à ce que la population soit protégée pendant les opérations militaires contre des groupes armés », a-t-elle recommandé.

Bolloré : Le port sec de Kagbelen pour améliorer la compétitivité de la chaîne logistique

La mise à service officielle par Conakry Terminal, filiale de Bolloré Ports, du port sec de Kagbelen, permettra « l’amélioration des performances et la compétitivité du Port Autonome de Conakry ».« Le développement du port sec de Kagbelen répond au double défi de la gestion optimale des espaces de stockage du terminal à conteneurs et de la célérité des services de livraison des véhicules. En complément des nouveaux portiques de parc que Conakry Terminal vient de mettre en service, ce nouveau port sec permettra l’amélioration des performances et la compétitivité du Port Autonome de Conakry, », a déclaré Madame Traoré Tahirou Barry, Directrice générale de Conakry Terminal.

Situé dans la commune urbaine de Dubréka, à 35 km de la capitale guinéenne, le port sec Kagbelen, qui s’étend sur une superficie de 30 hectares, dispose d’un espace aménagé de 5 hectares pour une capacité de stockage de 2 000 véhicules. Il accueille en priorité les véhicules en transit pour le Mali, la Sierra Leone et le Libéria, ainsi que les véhicules non livrés après 10 jours de stationnement sur le Parc du Terminal portuaire.

L’aménagement et la mise en service de cette plateforme logistique permettront de décongestionner le Port de Conakry et d’absorber la croissance des volumes de véhicules importés.

« La mise en service de ce port sec de Kagbelen est une grande avancée dans la stratégie gouvernementale de déconcentration des formalités administratives et douanières de sortie des marchandises importées au Port de Conakry. Il va permettre une meilleure fluidité des marchandises en vue d’une amélioration de la compétitivité du Port de Conakry » a précisé Monsieur Aboubacar Sylla, Ministre d’État aux Transports de la Guinée.

D’un coût global de 1,7 millions d’euros, l’aménagement et l’équipement du port sec de Kagbelen, permet à la Guinée de disposer d’une zone sous-douane connectée au système informatique des Douanes. Doté d’une zone administrative, d’un espace clients, d’un espace de stockage, d’équipements et ouvrages dédiés, il offre des mêmes facilités de livraison identiques à celles de Conakry Terminal qui est également opérateur du Terminal à Conteneurs du Port de Conakry.

Cet investissement qui génère 40 emplois directs et plusieurs dizaines d’emplois indirects pour la jeunesse guinéenne, a nécessité l’implication et la collaboration de la Direction générale du Port de Conakry et de la Direction Nationale des Douanes.

Sahel : la mort de Droukdel, « un coup psychologique pour le jihadisme » (spécialiste)

L’élimination au nord du Mali du chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abdelmalek Droukdel, est « un coup psychologique » porté à l’ensemble du mouvement jihadiste, selon Djallil Lounna, professeur de Relations internationales à l’Université Al Akhawayn d’Ifrane (Maroc) et auteur de l’ouvrage « Le djihad en Afrique du nord et au Sahel. D’AQMI à Daech »La France affirme avoir éliminé l’émir général d’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, le 3 juin dernier. Quelle importance donner à un tel évènement ?

Aqmi est l’une des principales organisations jihadistes dans le monde. C’est donc un atout central de la galaxie jihadiste qui a été tué. C’est un évènement d’extrême importance, au moins symboliquement. Au niveau opérationnel, c’est extrêmement différent. Parce qu’Aqmi est extrêmement affaibli en Algérie. La mouvance jihadiste sahélienne obéit à ses propres dynamiques. Cela dit, c’est un coup majeur qui lui a été donné. C’est un des derniers membres de la mouvance jihadiste algérienne des années 90, qui a participé à la fondation du GSPC (Groupe salafiste pour la Prédication et pour le Combat), devenu Aqmi. C’est vraiment un acteur fondamental du mouvement jihadiste qui s’en va.

Selon la ministre française des Armées, le chef d’Aqmi a été tué dans le nord du Mali. Que pouvait-il bien faire dans cette région alors qu’il semblait se cacher en Kabylie, dans le nord de l’Algérie ?

C’est la grande question que tout le monde se pose aujourd’hui : que faisait-il au nord du Mali ? Il a probablement passé une quinzaine d’années en Algérie, dans les maquis, en Kabylie. Il devient chef d’Aqmi à partir de 2004. Selon mes recherches en Algérie, l’Armée locale a mené des opérations massives contre des maquis islamistes jihadistes entre 2013 et 2018, notamment en Kabylie. Une centaine de terroristes a été tuée ou capturée. De 2016 à 2017, les rumeurs indiquaient qu’il avait évacué la Kabylie vers une région non loin de la frontière tunisienne. Ce sont les dernières informations qui remontaient par rapport à sa localisation. D’où le sens de la question « que pouvait-il faire au nord du Mali ? ». Tous les hommes qu’il avait nommés dans les années 2000, ses relais immédiats, ont été tués par l’opération Barkhane et autres.

Toutefois, il y a un indicateur. Vers la fin 2018 et début 2019, Droukdel postait des vidéos où il commentait l’actualité sahélienne (opérations, morts de combattants, hommages…). C’est normalement des commentaires qui auraient dû être faits par quelqu’un comme (le Malien) Iyad Ag-Ghali ou (l’Algérien) Djamel Okacha. Dès 2019, je me posais la question mais me disais que ce n’est pas possible. Le fait qu’il commentait de manière incessante ce qui se passe au Sahel et de moins en moins ce qui se déroule en Algérie… Alors que si vous regardez les commentaires sur l’Algérie, c’est (Abou Obeida Youssef) al-Annabi qui les faisait. Je pense que dès la fin 2018 et début 2019, il se trouvait au Sahel. (…) Personne n’était au courant : il y avait juste des rumeurs sur sa présence dans le nord du Mali.

Autre possibilité, beaucoup de chefs algériens sous pression sont appelés vers le Mali. C’est le cas de Belmokhtar, Okacha et d’autres chefs qui ont fui vers le Mali où se trouve la mouvance jihadiste la plus puissante. Il se peut qu’il se soit replié là-bas sous la pression des services de sécurité algérienne.

Qui pourrait lui succéder ? Le Malien Iyad Ag-Ghali, jusqu’ici chef des jihadistes liés à Al-Qaïda au Sahel, pourrait-il être intronisé émir général d’Aqmi ?

Iyad Ag-Ghali aurait le même type de prestige que lui. C’est un personnage important. Pour autant, Aqmi est une organisation plus ou moins algérienne, par rapport à ses dirigeants et son histoire. A mon avis, on va arriver à une rupture entre les deux organisations. Ce qui reste d’Aqmi sera probablement dirigé par un Algérien. Et je pense qu’Iyad Ag-Ghali va, de manière définitive, prendre la direction de la mouvance jihadiste sahélienne.

Le successeur qui semble le mieux positionné est al-Annabi. Je vois mal Iyad Ag-Ghali prêter allégeance à ce dernier qui n’a pas le même bagage et le même prestige que Droukdel.

Sa mort affaiblit-elle la mouvance jihadiste dans le Sahel ?

Je ne crois pas du tout ! La mouvance jihadiste sahélienne a ses propres dynamiques et objectifs depuis plusieurs années. C’est un coup psychologique pour l’ensemble du mouvement jihadiste. Il faudra s’attendre à des réactions, des représailles d’Iyad Ag-Ghali ou de l’Etat islamique dans le grand Sahara. Mais en termes de dynamiques et de changements, non.

Abdelmalek Droukdel en quelques dates

APA revient sur la trajectoire d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) tué par les forces armées françaises.Début des années 70 : naissance d’Abdelmalek Droukdel près d’Alger (capitale algérienne).

Début des années 1990 : il rejoint le Groupe Islamique Armé (GIA).

2004 : Droukdel prend la tête du Groupe salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC).

2006 : il prête allégeance au groupe jihadiste Al-Qaïda.

2011 : il se rapproche d’Iyad ag-Ghaly, ex-leader de la rébellion touareg du nord Mali devenu lui-même jihadiste.

2014 : Abou Moussab Abdel Woudoud, de son vrai nom, perd plusieurs de ses combattants au profit du mouvement jihadiste Etat Islamique (EI).

2017 : il accepte l’allégeance à Al-Qaïda du Malien Iyad ag-Ghaly qui vient de créer le Groupe de Soutien à l’Islam aux Musulmans au Maghreb islamique (GSIM), mais perd plusieurs cadres de son mouvement, comme Bilel Kobi, l’envoyé spécial de Droukdel en Tunisie, Béchir ben Néji, émir en Tunisie, Adel Seghiri, responsable de la propagande d’Aqmi, tués lors d’opérations militaires.

En 2017, il promet également « un échec retentissant » à l’EI dans un long entretien accordé à la revue Inspire, tuyau de propagande d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).

3 juin 2020 : mort d’Abdelmalek Droukdel à Talhandak, à 80 kilomètres de Tessalit (nord du Mali), le long de la frontière algérienne.

Mali : le chef général d’Aqmi tué par l’Armée française

Une opération conjointe des forces armées françaises et de leurs alliés aurait permis de tuer, au nord du Mali, le chef de la principale branche africaine d’Al-Qaïda, l’Algérien Abdelmalek Droukdel.Pour Barkhane, la force française engagée dans la lutte contre le jihadisme au Sahel, c’est « un succès majeur » selon Florence Parly, la ministre française des Armées. Avec la mort d’Abdelmalek Droukdel, dans une opération des militaires tricolores aidés de leurs alliés dans la région, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) perd un leader expérimenté, réputé pour ses qualités de meneur de troupes rompues au combat asymétrique.

Sur son compte Twitter, Florence Parly détaille les conditions dans lesquelles le chef général de la plus importante branche africaine de l’organisation créée par Oussama Ben Laden a été éliminé.

« Le 3 juin (mercredi dernier), les forces armées françaises, avec le soutien de leurs partenaires, ont neutralisé l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abdelmalek Droukdel et plusieurs de ses proches collaborateurs, lors d’une opération dans le nord du Mali », a-t-elle écrit vendredi soir sur ce réseau social.

Pour signifier l’importance du décès de Droukdel dans « ce combat essentiel pour la paix et la stabilité dans la région », selon ses propres mots, la ministre française des Armées indique qu’il était un « membre du comité directeur d’Al-Qaïda (et) commandait l’ensemble des groupes qaïdistes d’Afrique du nord et de la bande sahélienne, dont le Jnim, l’un des principaux groupes terroristes actifs au Sahel ».

Droukdel, fondateur d’Aqmi, est né en en Algérie à Meftah, dans la banlieue d’Alger, la capitale. La vie de cet élève performant bascule à l’avènement de la guerre civile dans son pays au début des années 1990. Il intègre en 1993 les rangs du Groupe Islamique Armé (GIA) où il se révèle comme un spécialiste dans la fabrication d’explosifs.

A la fin de cette décennie, ce « combattant dans l’âme » est l’un des meneurs de la scission qui conduira la majorité des chefs du GIA à quitter l’organisation pour « dérives sanguinaires » et de créer le Groupement salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) qui commettra plusieurs attentats sur le sol algérien. A cause de divergences avec l’émir Hassan Hattab, Droukdel se débarrasse plus tard de lui pour s’installer à la tête du GSPC au tout début des années 2000. Sous son impulsion, ce groupe jihadiste s’internationalise en commettant ses premières attaques hors d’Algérie.

En 2006, Abdelmalek Droukdel prête allégeance à Oussama Ben Laden dont l’organisation jouit d’un grand respect dans le milieu jihadiste surtout après l’attentat perpétré le 11 septembre 2001 sur les tours jumelles du World Trade Center (New-York, Etats-Unis).

En perte de vitesse en Algérie, ce fin stratège déploie ses forces au Sahel. D’ailleurs, Aqmi est en 2012 l’un des groupes majeurs qui occupent le nord du Mali. Mais l’influence de Droukdel, dans cette zone où foisonnent les mouvements jihadistes, s’effrite au fil du temps à telle enseigne qu’il reste inerte pendant plus de deux ans, poussant certains à annoncer sa mort. Vraisemblablement, la France et ses alliés ont fini par avoir la peau de ce jihadiste ayant vécu tout juste cinquante années.

Mali : des manifestants exigent la démission d’IBK

Vent debout contre la gestion de leur pays, des centaines de Maliens se sont rassemblés ce vendredi à la Place de l’Indépendance de Bamako pour le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta.Ce lieu symbolique de la capitale malienne était noir de monde. Invités par la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahamoud Dicko (Cmas), Espoir Mali Koura (EMK) et le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD), ces citoyens réclament un nouveau Mali. 

Au terme du rassemblement, ces trois organisations ont signé une déclaration finaledans laquelle elles listent les maux du pays, non sans mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités.

« Le Mali, jadis envié, écouté et respecté aussi bien en Afrique qu’à travers le monde entier, est en passe de devenir la risée des autres nations, tant il est aujourd’hui balloté et humilié, à cause d’une gouvernance chaotique », se désole d’emblée le Rassemblement des Forces Patriotiques du Mali. 

Selon cet organisme, « la gestion actuelle du régime en place, symbole de la décrépitude d’un système étatique décrié, a fini de précipiter (le Mali) dans l’impasse. Pire, au bord du gouffre ».

A en croire ces pourfendeurs d’IBK, « le peuple malien découvre chaque jour, de façon ahurissante, les scandales d’une gestion hasardeuse, dénuée de vision et de cohérence vis-à-vis des intérêts vitaux et stratégiques du Mali, et ce, dans le déni des valeursfondamentales de notre société ».

Avant de battre le pavé, le FSD, la Cmas et EMK ont tenu, le mardi 26 mai dernier, une rencontre pour réfléchir sur la situation du Mali. Il en ressort entre autres qu’il y a « une gestion catastrophique de la crise multidimensionnelle au Mali ; des atteintes à la souveraineté, à l’intégrité du territoire national ; l’insécurité généralisée avec son cortège de morts, de villages détruits et de populations déplacées ; la malgouvemance, la corruption et la gabegie financière au détriment du monde paysan et du secteur privé ».

En outre, le Rassemblement des Forces Patriotiques du Mali déplore « l’abandon des forces armées et de sécurité ; la détérioration sans précédent des services sociaux de base comme l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau,les infrastructures routières ; la paupérisation croissante des populations laborieuses ; des atteintes récurrentes aux valeurs et principes de la République et l’impasse d’une voie électorale désormais hypothéquée ».

De l’avis des trois organisations, le régime d’IBK a aussi porté atteinte aux principes constitutionnels, républicains et démocratiques car il « s’est illustré par la tenue d’élections injustes, opaques et inéquitables enlevant ainsi toute crédibilité au processus électoral ».

« Face à l’urgente nécessité de sauver (leur) Nation d’un péril certain », elles ont lancé un appel à tous les Maliens de l’intérieur et de la Diaspora pour « un sursaut national ».

Pour ce faire, le Rassemblement des Forces Patriotiques du Mali a listé, dans sa déclaration finale, dix mesures essentielles au redressement du pays. 

Il s’agit entre autres de la priorisation de l’éducation et de la santé ; de la garantie de l’accès aux services sociaux de base et aux infrastructures ; de la reconstruction des forces armées et de sécurité, mieux recrutées, mieux formées et mieux équipées, dignes d’un Etat protecteur de ses citoyens et de sesinstitutions.

C’est également la préservation de l’intégrité territoriale du Mali, son unité, sa laïcité et le plein exercice de sa souveraineté sur toute l’étendue du territoire national ; une gouvernance vertueuse garantissant la paix, la sécurité, la justice et la réconciliation nationale, ainsi que la restauration de la confiance entre l’Etat et les citoyens et la mise en oeuvre de toutes les actions nécessaires pour la libération de Soumaila Cissé, chef defile de l’opposition républicaine, et de toutes les personnes enlevées et injustement privées de leur liberté.