Erdogan menace l’Europe de « millions » de migrants, réclame une trêve en Syrie

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé lundi que « des millions » de migrants se rendraient en Europe après l’ouverture des frontières, accentuant la pression sur l’Occident dont il attend davantage d’appui pour obtenir une trêve en Syrie.

Depuis que la Turquie a ouvert vendredi ses frontières avec l’Europe, plusieurs milliers de personnes se sont ruées vers la Grèce, une situation préoccupante pour l’Europe qui redoute une nouvelle crise migratoire majeure semblable à celle de 2015.

Ankara, qui est de facto devenu le gardien de l’Europe après avoir conclu un pacte migratoire en 2016 avec Bruxelles, a ouvert les portes pour obtenir davantage de soutien en Syrie où la Turquie a annoncé dimanche le lancement d’une offensive contre le régime.

Alors que la Turquie multiplie depuis plusieurs jours les frappes de drones dans la région d’Idleb (Nord-Ouest), M. Erdogan a dit qu’il espérait arracher une trêve lors de discussions à Moscou jeudi avec le président russe Vladimir Poutine, soutien de Damas.

A la frontière entre la Turquie et la Grèce, des milliers de migrants continuaient d’affluer dans l’espoir de traverser, en dépit des mesures draconiennes prises par Athènes, dont les forces tirent des grenades lacrymogènes et utilisent des canons à eau.

« Depuis que nous avons ouvert nos frontières (vendredi), le nombre de ceux qui se sont dirigés vers l’Europe a atteint les centaines de milliers. Bientôt, ce nombre s’exprimera en millions », a affirmé M. Erdogan lors d’un discours à Ankara.

Ces chiffres semblent largement surévalués par rapport à la réalité observée sur le terrain par l’AFP. Samedi soir, l’ONU avait compté 13.000 personnes à la frontière gréco-turque.

– Arrivées sur les îles –

Selon les autorités grecques, 1.300 demandeurs d’asile ont réussi à gagner les îles égéennes entre dimanche matin et lundi matin. Un petit garçon est mort lundi au large de Lesbos lors du naufrage d’une embarcation chargée d’une cinquantaine de migrants.

Se faisant menaçant, M. Erdogan a affirmé qu’il maintiendrait les « portes de l’Europe ouvertes. Maintenant, vous allez prendre votre part du fardeau+ », a-t-il dit lundi lors d’un discours à Ankara.

Face à cette situation et pour montrer leur solidarité, les dirigeants des institutions européennes vont se rendre mardi dans la zone frontalière côté grec, a annoncé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Et la chancelière allemande Angela Merkel a indiqué qu’elle attendait que cet accord soit « respecté ». Elle doit s’entretenir lundi soir au téléphone avec M. Erdogan, selon ce dernier.

Mme Merkel avait piloté, côté européen, les négociations qui avaient abouti en mars 2016 à un accord migratoire controversé aux termes duquel Ankara s’engageait notamment à lutter contre les traversées illégales vers la Grèce en échange d’une aide financière.

Le chef de l’Etat turc doit par ailleurs recevoir lundi le Premier ministre bulgare Boïko Borissov, dont le pays est frontalier de la Turquie.

La Turquie accueille sur son sol plus de quatre millions de réfugiés et migrants, en majorité des Syriens.

Ankara a aussi justifié l’ouverture des frontières avec l’Europe par son incapacité à faire face à une nouvelle vague migratoire, alors que près d’un million de personnes déplacées par une offensive du régime syrien à Idleb sont massées à la frontière turque.

– Rencontre Erdogan-Poutine –

Après des semaines d’escalade, la Turquie a annoncé dimanche qu’elle avait lancé une offensive d’envergure baptisée « Bouclier du Printemps » contre le régime de Bachar al-Assad, soutenu par Moscou.

Les forces turques ont abattu deux avions syriens et tué plusieurs dizaines de soldats. « Ce n’est que le début », a prévenu lundi M. Erdogan.

De son côté, le régime syrien a affirmé sa détermination à repousser l’offensive menée par Ankara, qui sera au cœur de la rencontre entre MM. Erdogan et Poutine jeudi à Moscou.

« Je vais discuter de ces développements avec M. Poutine. J’espère qu’il prendra les mesures nécessaires comme un cessez-le-feu et que nous trouverons une solution », a affirmé lundi M. Erdogan.

Alors que la rencontre entre MM. Erdogan et Poutine s’annonce tendue, le Kremlin a souligné lundi la « grande importance » de la coopération entre Ankara et Moscou en Syrie, où le conflit a fait plus de 380.000 morts depuis 2011.

La Turquie appuie certains groupes rebelles et la Russie soutient le régime d’Assad. En dépit de leurs intérêts divergents, les deux pays ont renforcé leur partenariat ces dernières années.

Mais cette relation s’est dégradée depuis que plus de 30 militaires turcs ont été tués la semaine dernière dans des frappes aériennes attribuées par Ankara au régime, qui se dit déterminé à reprendre la région d’Idleb, dernier bastion rebelle et jihadiste en Syrie.

Au sol, les combats faisaient rage autour de la ville stratégique de Saraqeb, qui a plusieurs fois changé de mains ces dernières semaines. Selon l’agence de presse officielle syrienne SANA, les troupes du régime sont entrées lundi dans cette ville.

Slovaquie: Igor Matovic, leader bouillonnant de l’opposition

Lancé à fond dans la dénonciation de la corruption des élites en Slovaquie, l’auto-proclamé « homme du peuple » Igor Matovic, 46 ans, est un homme politique versatile et bouillonnant, qui bouscule l’ordre établi.

« Nous chercherons à former le meilleur gouvernement que la Slovaquie ait jamais eu, avec l’aide des autres leaders de l’opposition démocratique », a-t-il dit aux journalistes à l’annonce des résultats du sondage sortie des urnes, selon lesquels un électeur sur quatre avait voté pour son parti OLaNO (Gens ordinaires et personnalités indépendantes).

Ses partisans voient en lui un non-conformiste doué pour l’autopromotion, tandis que pour ses adversaires l’homme politique est imprévisible, adorant les feux de la rampe et voulant tout contrôler.

Après des études de gestion de finances, Matovic, marié et père de deux filles, avait fondé une maison d’édition qui a bien grandi et contrôle aujourd’hui des dizaines de journaux régionaux.

Il avait aussi possédé un patrimoine immobilier important dans sa ville natale de Trnava, dans l’ouest de la Slovaquie.

Quand il est entré en politique il y a une dizaine d’années, il a transféré tous ses biens et affaires, estimés à plusieurs millions d’euros, à sa femme Pavlina.

Il a fondé alors son mouvement baptisé Gens ordinaires et personnalités indépendantes pour combattre la corruption dans la fonction publique. Mais, après avoir obtenu plusieurs sièges au Parlement, il a vu plusieurs députés quitter sa formation pour cause de conflits internes.

« Il dirige l’OLaNO comme un dictateur », a affirmé lors d’un débat télévisé Michal Truban, chef du parti libéral Slovaquie progressiste et partenaire de coalition potentiel.

Mais, comme pour démentir cette observation, Matovic a mis à la tête de la liste OLaNO un enseignant peu connu, et a réservé la dernière place pour lui-même.

OLaNO a attiré plusieurs candidats hauts en couleurs et populaires, dont un joueur de tennis professionnel et un comédien.

– Singeries politiques –

Les critiques de Matovic ont souvent accusé l’ancien patron de presse d’aimer trop les caméras et de transformer les débats parlementaires télévisés en one-man show.

Certes, il a souvent pratiqué les effets spéciaux en politique. En 2013, il a apporté au Parlement une silhouette en carton du Premier ministre Robert Fico, accusant le chef du parti au pouvoir Smer-SD (gauche) d’être trop proche d’oligarques locaux. « Il a offert la Slovaquie aux riches », pouvait-on lire sur la figure en carton.

Fico a dû démissionner en 2018 après l’assassinat du journaliste Jan Kuciak, tué par balles alors qu’il enquêtait sur la corruption dans les hautes sphères.

Il est aussi arrivé à Matovic d’arborer au Parlement une chemisette avec l’inscription « Fico défend les voleurs ».

Il a eu recours à une tactique semblable en se montrant en direct sur Facebook en train de placer à Cannes (France), sur la clôture d’une villa, des panneaux la déclarant « propriété de la République slovaque » et accusant le propriétaire, un ex-ministre Smer-SD, de frauder les contribuables.

« Je veux faire de la politique comme je le sens, et pas de manière correcte », a-t-il dit au quotidien Dennik N, tout en admettant craindre que ses gestes ne le fassent passer « pour un clown ».

– « Imprévisible » –

Ses amis et des analystes le considèrent comme un homme politique doué, mais difficile.

Le décrivant à l’AFP sous le couvert d’anonymat, un ancien collaborateur de Matovic le qualifie de « phénomène ». « C’est un communicant extrêmement habile. Il est effréné et sincère – parfois trop sincère », dit-il.

« Sa force, c’est son instinct politique et son don pour le marketing politique », pense l’analyste Juraj Marusiak. Cependant, « son caractère imprévisible fait de lui un partenaire problématique ».

« Il est bon pour présenter des problèmes complexes d’une manière très simple », a dit à l’AFP l’analyste de Bratislava Pavol Babos « Mais il est toujours difficile de prévoir s’il tiendra les promesses qu’il fait ».

A l’approche des législatives, Matovic a lancé sur internet un sondage, encourageant les gens à choisir la politique du futur gouvernement en établissant un ordre de priorités parmi les sujets proposés.

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, deux chercheurs de terrain internationalement reconnus

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, les universitaires français détenus en Iran, dont le procès s’ouvrira mardi, sont tous deux des chercheurs de terrain « de haute volée », selon plusieurs de leurs collègues, qui mettent en avant la même intransigeance critique.

+ Fariba Adelkhah

Il faut « sauver les chercheurs, sauver la recherche, pour sauver l’histoire »: ces mots, Fariba Adelkhah les a écrits de sa prison d’Evine, à Téhéran. Arrêtée début juin par les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime, avec son compagnon Roland Marchal, la chercheuse franco-iranienne est poursuivie pour « propagande contre le système » politique de la République islamique d’Iran et « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale ».

Dimanche dernier, elle a été admise à l’hôpital de la prison d’Evine suite à une grave détérioration de son état de santé, selon son avocat, qui y voit le résultat de la grève de la faim qu’elle a menée de fin décembre à mi-février.

Cette spécialiste de l’anthropologie sociale et de l’anthropologie politique de l’Iran post-révolutionnaire a rejoint le Ceri (le Centre de recherches internationales, une unité mixte de recherche commune à Sciences Po et au CNRS) en 1993.

« Toute sa démarche part du terrain », explique Béatrice Hibou, également chercheuse au Ceri. « Extrêmement reconnue dans le milieu universitaire », elle est l’une des rares à porter un regard « critique » et non pas « politique » sur la société iranienne, souligne cette proche.

Née en Iran en 1959, dans une famille de la petite classe moyenne de la province du Khorassan (région située à la frontière de l’Afghanistan), Fariba Adelkhah n’a jamais cessé de retourner dans ce pays, dont sont issus la plupart de ses travaux de recherche.

En 1977, elle arrive en France, à l’université de Strasbourg, pour y commencer des études. C’est là qu’elle rencontre Roland Marchal.

Marquée par la lecture de Simone de Beauvoir, ses travaux initiaux portent sur les femmes et la Révolution islamique.

Cette femme menue aux cheveux noirs, « courageuse » et « combative », selon plusieurs collègues, qui aime traduire des poèmes chrétiens du Moyen-Âge en persan, avait récemment étendu le champ de ses travaux à l’Afghanistan et l’Irak.

Elle s’inquiète de l’isolement auquel est soumis son compagnon, poursuivi pour « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale », et retenu dans l’aile des Gardiens de la révolution. Leur avocat tentait récemment de légaliser un mariage qui autoriserait un droit de visite.

+ Roland Marchal

« Bourreau de travail, constamment sur le terrain », c’est un « grand chercheur, reconnu internationalement », dit de lui Sandrine Perrot, qui travaille avec lui au Ceri.

Africaniste spécialiste de la Corne de l’Afrique, il a consacré l’essentiel de son œuvre à l’analyse des guerres civiles en Afrique subsaharienne, notamment dans leur rapport à la formation des États.

« Son pays de cœur est la Somalie, mais il connaît aussi très bien le Tchad, la République centrafricaine, le Mali et le Soudan », souligne Mme Perrot. « Ses analyses des guerres, des violences, de la sociologie des groupes armés, ont marqué des tournants dans la littérature », avance-t-elle.

Connu pour avoir des prises de position très franches, notamment sur la politique française au Tchad, qui lui ont valu la réputation d’être « un chercheur à la dent dure », ses critiques étaient « toujours étayées par le terrain », poursuit la chercheuse.

Originaire de Lorraine, ce mathématicien de formation, très engagé à gauche, « est tombé dans la marmite des sciences sociales et a rejoint le Ceri en 1997 », indique Jean-François Bayard, ancien directeur du centre de recherches.

« Chercheur de haute volée, bourru, très exigeant, pas forcément aimé de tous », il fait montre, comme sa compagne Fariba Adelkhah, d’une totale « intégrité professionnelle » et d’une « indépendance absolue », poursuit ce proche.

Décrit aussi comme « râleur », « sarcastique », « très généreux, notamment avec les jeunes chercheurs », « il s’est toujours énormément soucié des sociétés qu’il étudiait, comprenant souvent avant tout le monde ce qui se jouait sur le terrain », souligne Marielle Debos, chercheuse à l’université de Nanterre, qui a travaillé avec lui.

Cet homme trapu aux cheveux gris de 64 ans qui a, aux dires de ses proches, beaucoup maigri en prison et serait très affecté psychologiquement par la longueur de sa détention, est aussi un grand amateur de livres, notamment de polars américains.

Benny Gantz, une main de fer dans un gant de velours

Ancien chef de l’armée, le centriste Benny Gantz affiche une image de « Monsieur Propre » de la politique face à son rival aux élections en Israël, Benjamin Netanyahu inculpé pour corruption, dont il partage toutefois une vision sécuritaire musclée.

A 60 ans, celui qui se veut pragmatique face aux idéologies radicales de la droite va tenter pour la troisième fois en moins d’un an d’obtenir suffisamment de voix pour former une coalition gouvernementale.

Ce père de quatre enfants, à l’attitude décontractée et abordable, n’avait aucune expérience politique lorsqu’il s’est jeté dans l’arène il y a un an pour former un nouveau parti, Kahol Lavan, « Bleu-blanc » en français, les couleurs du drapeau israélien.

Mais en fédérant les opposants au Premier ministre, il a réussi, avec sa liste regroupant des personnalités de gauche et de droite, à terminer ex-aequo avec M. Netanyahu aux législatives d’avril et de septembre 2019.

Son but est clair: chasser Benjamin Netanyahu, au pouvoir sans discontinuer depuis dix ans et dont le procès pour corruption s’ouvre le 17 mars.

« Le monde doit savoir que nous sommes pragmatiques et voyons uniquement le bien de l’Etat sans se préoccuper d’intérêts personnels », estime celui qui dit vouloir restituer un sens de « l’honneur » à la fonction de Premier ministre.

– « Honnêteté » –

Pur « sabra », terme désignant les juifs nés en Israël, ce fils d’immigrants rescapés de la Shoah est né le 9 juin 1959 à Kfar Ahim, un village du Sud.

Le jeune Gantz rejoint l’armée en 1977. Parachutiste, il gravit les échelons et obtient le grade de général en 2001 avant de devenir chef d’état-major de 2011 à 2015.

Dans un pays où l’armée est fédératrice, cet homme de 1m95 aux yeux bleus bénéficie d’une grande aura conférée par ses faits d’armes et son rang d’ancien commandant des armées.

« Il n’a pas laissé de traces indélébiles dans l’armée, mais a conservé une image de stabilité et d’honnêteté », selon Amos Harel, journaliste spécialiste des affaires militaires au quotidien Haaretz.

S’il propose une vision plus libérale de la société que M. Netanyahu, et souhaite mettre en place un gouvernement laïc favorable au mariage civil, ce qui n’est pas d’usage en Israël, il soigne, comme le Premier ministre, son image de faucon.

Il affirme vouloir conserver le contrôle militaire israélien sur la majeure partie de la Cisjordanie occupée, annexer la vallée du Jourdain et mettre fin aux attaques à partir de Gaza sur Israël.

Lors de la dernière guerre à Gaza contrôlée par les islamistes palestiniens du Hamas (2014), c’est lui qui était aux commandes et s’est targué du nombre de « terroristes » palestiniens tués dans un clip de campagne, sans évoquer les victimes civiles.

Il a accusé le gouvernement actuel de « faire trop de concessions » et promis d’imposer « une politique de dissuasion » contre le Hamas à qui Israël a livré trois guerres depuis 2008.

– « Fréquentes bourdes » –

Cultivant son image de « dur à cuire », M. Gantz a multiplié les appels du pied en direction de l’électorat de droite, poussant M. Netanyahu à le qualifier de « pâle imitation » de sa personne.

« Soudain, tout le monde est de droite », a ironisé le Premier ministre.

Le Likoud a publié une vidéo avec des extraits d’interventions de Benny Gantz durant lesquelles il a commis des bourdes, confondant des noms ou bégayant lors de discours de campagne.

Interrogé par un journaliste à ce sujet, Benny Gantz a répondu que parfois « il pense plus vite qu’il ne parle ».

« Je ne fais pas carrière à la télévision, je ne suis pas présentateur au journal télévisé, je suis un leader avec derrière lui près de 40 ans de direction dans l’armée », a-t-il asséné.

Benny Gantz est titulaire d’une licence d’histoire de l’université de Tel-Aviv, d’un master en Sciences politiques de l’université de Haïfa et d’un master en gestion de ressources nationales de la National Defense University aux Etats-Unis.

Face au brillant orateur qu’est Benjamin Netanyahu, aura-t-il convaincu les électeurs de voter pour lui? La question reste ouverte.

Pete Buttigieg, le jeune maire de l’Indiana qui rêvait de Maison Blanche

A 38 ans, il rêvait de « faire mentir les sceptiques » et d’accéder à la Maison Blanche. Pete Buttigieg n’a pas réussi son coup. Mais il a marqué les esprits.

La voix de ce trentenaire polyglotte ouvertement homosexuel a fait souffler un vent frais sur les primaires démocrates dont les deux favoris – Bernie Sanders et Joe Biden – sont septuagénaires et ont siégé pendant des décennies au Sénat.

Doté d’un patronyme imprononçable – dont il avait fait un argument de campagne – il s’était lancé sans autre expérience que la gestion pendant huit ans de la ville de 100.000 habitants où il est né, South Bend, dans l’Indiana.

Très à l’aise durant les débats ou sur les estrades de campagne, « Mayor Pete » était mû par une indéniable confiance en lui, qualifiée d’arrogance par ses détracteurs qui ironisaient sur ce jeune homme trop impatient.

Sa victoire initiale dans l’Iowa lui avait laissé entrevoir l’hypothèse d’un succès final face à des candidats entrés en politique avant sa naissance. Mais son absence de soutien chez les Noirs, électorat traditionnel des démocrates, lui a coûté cher.

Sa foi en son destin ne date pas d’hier. Lycéen, Pete Buttigieg se souvient d’avoir levé la main quand un professeur demanda qui aimerait devenir président.

– Harvard, Oxford, McKinsey –

Peter Paul Montgomery Buttigieg est né le 19 janvier 1982 à South Bend, de parents professeurs d’anglais à l’université de Notre Dame. Son père, spécialiste du philosophe marxiste Antonio Gramsci, était un immigré maltais venu faire son doctorat aux Etats-Unis, où il a rencontré sa mère.

Fils unique, Pete Buttigieg excelle à l’école. Son parcours est typique des premiers de la classe: il entre à Harvard, obtient une bourse prestigieuse et part deux ans à Oxford, avant d’être recruté par le grand cabinet de conseil McKinsey, en 2007: « rien de très excitant », selon lui.

A 25 ans, la politique le ramène à South Bend. Il se présente à l’élection de trésorier de l’Indiana et est largement battu. Mais en 2011, le poste de maire s’ouvre et il se fait élire. Ce sera son tremplin.

Réserviste de la Navy depuis quelques années, le maire est envoyé sept mois en Afghanistan en 2014, comme analyste de renseignement.

Avait-il déjà des arrière-pensées politiques au moment d’entrer dans l’armée? « Si la réponse était oui, est-ce que cela rendrait mon service moins pur? » a-t-il répondu dans le podcast The Daily.

Toutes ces années, il vit avec un secret enfoui: il est homosexuel. « Si vous m’aviez donné une pilule pour devenir hétéro, je l’aurais avalée avant même le verre d’eau », a-t-il confié l’an dernier.

Son coming-out, il ne le fera qu’en 2015, avant d’être réélu maire. Par une application de rencontre (Hinge), il rencontre ensuite Chasten Glezman, qui prendra son nom de famille après leur mariage en 2018. Le couple veut des enfants.

« Mon mariage avec Chasten », dit-il, « m’a rapproché de Dieu ».

Pete Buttigieg cultive cette image d’homme du Midwest, traditionnel, croyant (baptisé catholique, il va dans une église épiscopalienne). Au point qu’il est caricaturé dans la célèbre émission Saturday Night Live comme un gentil garçon timide et ennuyeux.

Quand il se déclare officiellement candidat, en avril 2019, il concède « l’audace » de sa candidature — allusion évidente à « l’audace d’espérer » professée par Barack Obama en son temps.

« Chaque fois que mon parti est entré à la Maison Blanche ces cinquante dernières années, ce fut avec un candidat nouveau venu sur la scène nationale », dit-il aussi en évoquant Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama.

La comparaison est très avantageuse: les deux premiers étaient gouverneurs, le dernier sénateur. Mais il est vrai que le camp Obama a tôt remarqué le jeune maire aux phrases ciselées et à la voix de baryton.

Peu après la victoire de Donald Trump, le président sortant avait été interrogé par le New Yorker sur la relève démocrate. M. Obama avait cité un sénateur et une sénatrice, puis ajouté: « Et puis il y a ce gars de South Bend, dans l’Indiana, le maire », sans se souvenir de son nom.

Primaires démocrates: ce qu’il faut savoir sur le « Super Tuesday »

Après un goutte-à-goutte de scrutins, les primaires démocrates prennent une toute autre ampleur mardi avec l’avalanche de votes du « Super Tuesday », qui pourrait avoir un impact décisif sur la course pour désigner le rival du président républicain Donald Trump en novembre.

Grand favori, Bernie Sanders parviendra-t-il à prendre une avance pratiquement imparable? L’ancien vice-président Joe Biden fera-t-il assez bien pour s’installer en alternative modérée au sénateur indépendant? M. Biden devrait bénéficier du retrait surprise du trentenaire Pete Buttigieg. En perte de vitesse, les sénatrices Elizabeth Warren et Amy Klobuchar survivront-elles et quel sera l’impact de l’entrée en lice tant attendue du multi-milliardaire Michael Bloomberg?

Le suspense reste entier.

– 14 Etats aux urnes –

Depuis la pointe nord-est des Etats-Unis jusqu’au milieu du Pacifique, les primaires démocrates organisées mardi couvrent un immense territoire: 14 Etats ainsi que les îles Samoa américaines et les électeurs démocrates vivant à l’étranger.

La Californie, Etat farouchement progressiste aux 40 millions d’habitants, pèsera de façon décisive. Le Texas (30 millions d’habitants) sera l’autre poids lourd de la journée.

Puisque les Etats du « Super Tuesday » reflètent la diversité sociale et économique des Etats-Unis, cela sera l’occasion pour les candidats de démontrer qu’ils peuvent séduire partout… ou au contraire de voir exposée au grand jour leur incapacité à convaincre des électeurs assez variés pour avoir une chance de remporter la Maison Blanche.

Avec un territoire si vaste et divers modes de scrutin, notamment par courrier, les résultats pourraient mettre du temps à arriver.

– Un jackpot de délégués? –

Plus encore que le nombre d’électeurs, c’est surtout le fait que plus d’un tiers des délégués seront distribués d’un coup qui fait de cette journée un moment clé dans le calendrier électoral américain.

Car pour décrocher l’investiture démocrate, un candidat doit afficher une majorité absolue (1.991) de ces délégués, assignés proportionnellement aux scores engrangés dans chaque primaire.

Or 1.357 délégués seront attribués lors du seul « Super Tuesday ». Par comparaison, seuls 155 ont été distribués jusqu’ici.

Bernie Sanders domine les sondages dans les deux Etats les plus riches en délégués: la Californie (415 délégués) et le Texas (228).

Il faut impérativement qu’un candidat fasse plus de 15% pour recevoir des délégués.

Ce qui représente un danger potentiel pour les candidats modérés, qui se divisent les suffrages face à Bernie Sanders.

– Bloomberg entre en piste –

Après avoir déjà dépensé plus d’un demi-milliard de sa fortune personnelle pour financer ses publicités de campagne, l’ancien maire de New York va pour la première fois affronter le verdict des urnes.

Un premier débat raté et une deuxième performance peu convaincante ont fait baisser sa courbe dans les sondages mais il figure toujours en troisième place, derrière Bernie Sanders et Joe Biden.

– Vers une absence de majorité? –

Le prétendant démocrate à la Maison Blanche sera officiellement désigné lors d’une convention organisée, du 13 au 16 juillet, à Milwaukee dans l’Etat du Wisconsin.

Fait rare: avec une course aussi haletante, il est possible qu’aucun candidat n’arrive avec en poche la majorité absolue nécessaire pour gagner.

Le grand favori Bernie Sanders argue déjà que celui qui aura alors le plus de délégués devrait être désigné vainqueur. Mais il est seul, ses rivaux appelant à s’en tenir aux règles du parti démocrate.

Celles-ci énoncent que si personne n’obtient la majorité lors d’un premier tour, les délégués dit « assignés » deviennent libres de voter pour quelqu’un d’autre au deuxième tour.

Et quelque 770 « super-délégués », des notables et élus du parti, entrent alors aussi en piste avec le pouvoir de faire basculer le scrutin.

Du fait de son statut d’ancien vice-président, Joe Biden est lui-même un « super-délégué ».

Avortement aux Etats-Unis: le droit et la pratique

La Cour suprême des Etats-Unis se penche à nouveau mercredi sur le droit des femmes à avorter qu’elle a reconnu il y a près d’un demi-siècle, mais dont l’application est très variable d’un Etat à l’autre.

– Le cadre législatif

Dans son arrêt emblématique Roe v. Wade, la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu en 1973 un droit des femmes à avorter dans l’ensemble du pays.

Elle a précisé en 1992 que les femmes pouvaient décider d’interrompre leur grossesse tant que le foetus n’était pas viable, ce qui est généralement compris autour de la 24e semaine.

Si les 50 Etats conservent le droit de légiférer en matière d’avortement pour assurer que la santé des femmes n’est pas compromise, ils n’ont pas le droit de créer un obstacle insurmontable pour les patientes, a-t-elle également jugé.

– Le patchwork géographique

La notion d’obstacle insurmontable étant sujette à interprétation, les Etats conservateurs et religieux du sud et du centre du pays ont multiplié les législations pour restreindre l’accès à l’avortement.

Ces lois ont poussé de nombreuses cliniques à mettre la clé sous la porte. Six Etats (dont le Mississippi ou le Missouri) n’ont plus qu’une structure pratiquant des IVG, alors qu’il y en a plus de 150 en Californie.

D’autres textes obligent les médecins à faire entendre les battements de coeur du foetus à leur patiente, à leur parler d’un lien (non prouvé) entre l’avortement ou le cancer du sein ou encore de la souffrance présumée du foetus.

– Les chiffres

Un peu plus de 862.000 avortements ont été réalisés en 2017 aux Etats-Unis, ce qui revient à 13,5 interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour 1.000 femmes en âge de procréer, un taux comparable à la France ou la Grande-Bretagne et en baisse régulière depuis des décennies, selon l’institut Guttmacher.

Mais là encore, les écarts sont importants entre les côtes et le Centre ou le Sud: d’après le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), le taux d’avortement est de 6,2 pour 1.000 en Alabama (Sud) et de 23,1 pour 1.000 dans l’Etat de New York.

– Les clivages dans l’opinion

Le sujet de l’avortement est extrêmement clivant aux Etats-Unis: 58% des Américains estiment que l’avortement devrait être légal, et 37% souhaitent son interdiction, selon un sondage du Centre de recherches Pew de 2018.

Les différences d’opinion suivent en grande partie les lignes partisanes avec des démocrates largement favorables au droit des femmes à avorter, et des républicains, surtout dans les milieux évangéliques, majoritairement opposés aux IVG.

– L’offensive récente

Lors de sa campagne 2016, Donald Trump a courtisé la droite religieuse en promettant de nommer à la Cour suprême des Etats-Unis des juges opposés à l’avortement. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, il y a fait entrer deux nouveaux magistrats (sur neuf juges au total).

Leur arrivée a galvanisé les opposants à l’avortement dans les Etats de la « Bible Belt » qui ont adopté une série de lois en contradiction flagrante avec la jurisprudence de la Cour suprême, allant jusqu’à interdire d’avorter même en cas de viol (en Alabama).

Ces textes ont été logiquement bloqués en justice mais leurs promoteurs ont l’intention de multiplier les appels jusqu’à la haute Cour pour lui fournir l’occasion de revenir sur son arrêt de 1973. Cela permettrait à chaque Etat de faire ce qu’il veut et augmenterait encore les inégalités territoriales.

Sans aller jusque là, il est possible que la haute juridiction « grignote » peu à peu le droit à l’avortement en validant encore plus de lois restrictives.

Netanyahu, le maître de la survie politique

Premier ministre le plus pérenne de l’histoire moderne d’Israël, Benjamin Netanyahu est un « magicien » de la survie politique qui va devoir sortir deux lapins de son chapeau: remporter les élections de lundi puis « vaincre » la justice qui l’accuse de corruption.

Souvent surnommé « Roi Bibi » par ses partisans, il est devenu en novembre le seul chef de gouvernement en fonction de l’histoire israélienne à être inculpé par la justice. Avec à la clé un procès pour corruption, abus de pouvoir et malversation qui s’ouvre le 17 mars.

Voix rauque de ténor, cheveux argentés inamovibles, souvent vêtu d’un complet-cravate bleu sur chemise blanche, Benjamin Netanyahu, 70 ans, s’est imposé au coeur du système politique comme s’il en avait toujours fait partie.

Ce fin stratège, habitué au louvoiement, est pourtant le seul Premier ministre à être né après la création d’Israël en mai 1948.

Né à Tel-Aviv le 21 octobre 1949, il a hérité d’un bagage idéologique musclé par son père Benzion, qui était l’assistant personnel de Zeev Jabotinsky, leader de la tendance sioniste dite « révisionniste », favorable à un « Grand Israël » intégrant la Jordanie.

Aujourd’hui, Benjamin Netanyahu prône une vision d’Israël comme « Etat juif » avec des frontières s’étendant au nord-est jusqu’à la Jordanie, d’où sa promesse d’annexer la vallée du Jourdain située en Cisjordanie, territoire palestinien occupé.

– Le plus jeune –

Le jeune Netanyahu effectue son service militaire dans un commando prestigieux. Le Proche-Orient est alors dans l’après-guerre des Six Jours, qui a vu en 1967 Israël s’emparer des territoires palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est ainsi que du Golan syrien et du Sinaï égyptien.

Côté arabe, la défaite est amère. Hors du champ des armées classiques, de nouveaux acteurs s’imposent comme l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui regroupe des groupes armés palestiniens.

En 1976, le frère aîné de Benjamin, Yoni, commandant de l’unité chargée de libérer les otages d’un vol Tel-Aviv/Paris détourné par deux organisations palestinienne et allemande en Ouganda, est tué pendant l’assaut israélien.

Ce décès ébranle profondément Benjamin Netanyahu qui fera de la « lutte contre le terrorisme », qu’il associe souvent aux Palestiniens, l’un des fils conducteurs de sa carrière.

Orateur né, pugnace, il devient diplomate à Washington, puis ambassadeur à l’ONU dans les années 1980. De retour en Israël, il est élu député en 1988 sous la bannière du Likoud, grand parti de droite dont il devient, avec son style à l’américaine, l’étoile montante.

Pendant la guerre du Golfe de 1991, qui expose Israël à une pluie de missiles irakiens, il défend le point de vue israélien sur la chaîne américaine CNN. A l’aise devant la caméra, il connaît les codes des médias et maîtrise l’anglais, ayant fait ses études au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Il continue son ascension jusqu’à une première consécration en 1996. A 47 ans, Benjamin Netanyahu triomphe alors du doyen Shimon Peres et devient le plus jeune Premier ministre de l’histoire d’Israël.

Mais son règne est de courte durée. Trois ans. Puis après une brève retraite, il retourne à sa passion: la politique. Et reprend la tête du Likoud, puis redevient Premier ministre en 2009.

– « Guerre personnelle » –

Depuis, Israël n’a connu que « Bibi », passé maître dans l’art de former des coalitions, de coopter des petits partis et des formations ultra-orthodoxes, pour asseoir son pouvoir.

Lui se présente comme le grand défenseur de l’Etat hébreu face à l’Iran, nouvel « Amalek », ennemi mortel des Hébreux dans la Bible. Ses adversaires décrivent plutôt un autocrate prêt à tout pour rester à son poste.

Idéologue ou pragmatique? C’est la grande question. « Bien que Benjamin Netanyahu sympathise avec la politique de son père, ses actions comme Premier ministre sont avant tout motivées par des considérations pragmatiques », écrit l’universitaire Neill Lochery dans une biographie récente.

Marié et père de trois enfants, Benjamin Netanyahu est désormais dans le collimateur de la justice pour corruption, fraude et abus de confiance dans des affaires de dons reçus de milliardaires, d’échanges de bons procédés avec des patrons d’entreprises, et de tentatives de collusion avec la presse.

Pour Gideon Rahat, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, il oscille entre « faucon extrémiste » et « modéré ».

Mais « depuis les accusations de corruption, il est plus à droite, plus enclin au populisme et à des lois antidémocratiques (…) Il se bat pour sa survie, pour éviter les tribunaux, c’est une guerre personnelle », dit-il.

Après son inculpation, des médias israéliens avaient déclaré la « fin de l’ère Netanyahu ». Mais ils pourraient encore attendre…

En Caroline du Sud, les démocrates cherchent le meilleur candidat pour battre Trump

Pour Travis Frierson, la priorité est claire: les Etats-Unis doivent absolument revenir à la « normalité » après quatre ans de présidence Trump. Le restaurateur de 43 ans vient de voter lors des primaires démocrates en Caroline du Sud, et sa voix est allée à l’ancien vice-président Joe Biden.

Mais d’autres électeurs se disent convaincus que pour empêcher le milliardaire républicain d’obtenir un second mandat en novembre, il faut une lame de fond semblable à celle qui a permis à Donald Trump d’arriver au pouvoir en 2016.

Et pour eux, c’est le sénateur et socialiste autoproclamé Bernie Sanders, avec sa promesse d’un système de santé universel et gratuit, qui incarne cette vague.

Ce qui est sûr, c’est que les avis sont tranchés.

« Trump est beaucoup trop radical et Bernie a le même genre de partisans. Il parle comme un dictateur », juge M. Frierson. « Moi je veux revenir à la démocratie ».

Par cette journée froide et ensoleillée dans la banlieue de Columbia, la capitale de Caroline du Sud, des dizaines d’électeurs attendent de faire leur choix devant une école transformée en bureau de vote.

M. Frierson est l’un d’eux.

« Je veux juste le meilleur candidat possible pour ramener le pays à la normalité », dit-il. « La normalité », insiste-t-il. « Une chose que nous avons considérée comme allant de soi pendant longtemps ».

– Biden ou Sanders? –

Après des résultats décevants lors des trois premiers scrutins de la primaire démocrate, Joe Biden compte sur la Caroline du Sud pour se refaire une santé et sauver sa campagne.

Les sondages le donnent pour favori ici, en grande partie grâce à sa popularité dans l’électorat noir.

Mais Bernie Sanders, arrivé en tête dans le New Hampshire et le Nevada et qui caracole actuellement au sommet des sondages au niveau national, talonne l’ancien vice-président en Caroline du Sud.

Les détracteurs du sénateur indépendant au sein même du parti démocrate pensent que son programme est trop radical et qu’il n’a aucune chance de battre l’actuel président.

Au contraire, rétorquent ses soutiens.

« Je pense qu’un progressiste a le plus de chances de battre Trump », affirme James Westmoreland, enseignant de 44 ans qui vient de donner sa voix à « Bernie ».

« J’ai l’impression que le pays est tellement divisé en ce moment, tout le monde semble aller vers les extrêmes », ajoute-t-il.

« Il y a peu de gens qui semblent aller vers le milieu. Alors nous avons besoin de quelqu’un qui aide à équilibrer les choses ».

Une électrice de 51 ans, qui ne souhaite être identifiée que comme Mme Kennedy, intervient pour dire qu’elle aussi votera pour Sanders.

Elle reconnaît que ce sera un défi de battre Trump dans les Etats conservateurs, mais qu’elle ne cèdera pas aux pressions des anti-Bernie.

Les Etats comme le Texas, l’Alabama et la Floride ne sont peut-être « pas prêts pour lui », admet-elle, mais « j’en ai assez du manque de respect dans notre pays. Tout le monde mérite d’être respecté ». Une allusion apparente à la polarisation de la société ces dernières années.

Si la victoire semble se profiler pour Joe Biden en Caroline du Sud, la popularité de Bernie Sanders doit « être suivie de près », juge Kendall Deas, professeur de science politique au College of Charleston.

L’élection de Trump en 2016, « ce fut un mouvement ». Et « en 2020, les démocrates vont peut-être devoir répondre avec un candidat qui soit lui aussi le reflet d’un mouvement pour contrer ce qui s’est passé avec l’élection de Trump » il y a quatre ans, dit-il.

Emmanuel Macron et le 49-3, un passif

Emmanuel Macron peut garder un souvenir amer du 49-3, dégainé samedi pour la réforme des retraites : sous le quinquennat Hollande, Manuel Valls avait imposé cette arme constitutionnelle à celui alors ministre de l’Economie pour faire passer sa loi croissance.

Au bout de douze jours de débats, l’Assemblée nationale était venue à bout des quelque 300 articles du projet de loi, dont Richard Ferrand, alors de l’aile gauche du PS, était le rapporteur général.

Mardi 17 février 2015 au matin, les 30 à 40 socialistes « frondeurs », emmenés par Christian Paul et Laurent Baumel, annoncent qu’ils vont majoritairement voter contre ce texte allant de l’extension du travail du dimanche à la libéralisation du transport en autocars.

Les quelques voix de centristes ou de très rares UMP (devenus LR) risquent de ne pas suffire pour faire voter en première lecture ce projet de loi emblématique de la ligne réformatrice de l’exécutif. Les abstentions de certains élus de droite, mises en avant par le cabinet d’Emmanuel Macron, ne sont pas « fiables », juge-t-on aussi à Matignon.

« Au moment où je parle le texte ne passe pas », déclare peu après le chef du gouvernement devant les députés PS réunis à huis clos. Un Conseil des ministres est convoqué en urgence à l’Elysée à 14H30, dont rien ne filtre.

Manuel Valls, mine grave, laisse encore planer le doute lors de la séance des questions au gouvernement. « Le gouvernement fera tout pour que cette loi passe parce qu’elle est utile pour le pays », martèle-t-il en réponse au patron des députés UMP Christian Jacob l’accusant de recourir au 49-3 dans « l’urgence et la panique ».

Pendant la pause avant la séance supposée du vote, on compte et recompte. Il y avait même trois comptages à confronter : celui du groupe PS, celui de Matignon, et celui du cabinet d’Emmanuel Macron.

« Là, il y a une hypothèse que ça passe de 5-6 voix, mais dans une configuration hyper idéale, sans accident. Or, 2-3 accidents lors d’un vote c’est très vite arrivé. Donc on dit qu’on ne prend pas le risque », relate un ancien conseiller ministériel à l’AFP. « Et devant nous, Valls appelle le président et demande l’autorisation » d’engager la responsabilité du gouvernement.

– « Acte d’autorité » –

Le locataire de Matignon annonce à la tribune le recours au 49-3, au nez et à la barbe d’Emmanuel Macron, qui espérait faire passer « sa » loi par sa seule force de conviction.

« La réalité c’est que Macron était minoritaire, mais aussi à cause de gens (les frondeurs) qui ont employé des méthodes détestables, des gauchos », lâche un ex-membre du gouvernement Valls.

L’outil constitutionnel permettant un passage en force a amplifié l’image clivante du jeune ministre. Il sera utilisé à nouveau à deux reprises, jusqu’à l’adoption définitive en juillet 2015 de sa loi « pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques ».

Manuel Valls s’est ensuite défendu devant des journalistes d’avoir imposé le 49-3 pour tacler Emmanuel Macron, à la popularité grandissante. Ce n’est aucunement « un plaisir d’engager un 49-3 » mais « c’est aussi faire acte d’autorité et permettait d’expliquer à Emmanuel Macron qui disait qu’il était le meilleur ministre du monde, qu’à la fin il n’y a pas de majorité », reconnaît un ancien conseiller. « Ça permettait aussi de dire +mon gars reste à ta place+ ».

L’épisode a laissé « une marque indélébile », juge un député LREM. « L’effet Valls est ultra important » : le dégainer est synonyme de « violence, brutalité ».

Retraites: les principaux points de la réforme, après le 49-3

Un nouveau système de retraite « universel » et par points, avec un « âge d’équilibre » très controversé: voici les principaux points de la réforme, dans la version modifiée sur laquelle le gouvernement a engagé le 49-3.

Il a retenu des amendements adoptés par l’Assemblée ainsi que des mesures issues des discussions avec les partenaires sociaux.

« Universel »

Le futur système couvrira « l’ensemble des personnes travaillant en France, sans exception »: salariés du privé et des régimes spéciaux, fonctionnaires, magistrats, militaires, agriculteurs, travailleurs indépendants…

Tous les actifs nés à partir de 1975 cotiseront à une nouvelle « Caisse nationale de retraite universelle » qui chapeautera les 42 régimes existants – avant, peut-être, de les absorber.

Les députés ont symboliquement acté la future hausse des salaires des enseignants, en isolant dans un article spécifique du projet de loi cette « garantie », qui devra être concrétisée dans une loi de programmation à venir.

Pour répondre notamment à la grogne des avocats, le texte prévoit un abattement de 30% sur l’assiette des cotisations sociales des professions indépendantes, et un « dispositif de solidarité » pour soutenir les « petits cabinets ».

Et la transition pour les indépendants durera 20 ans et non 15 ans comme prévu initialement.

Le texte inscrit « en dur » une des ordonnances sur le « droit à l’information » des retraités, les oppositions critiquant de façon récurrente la trentaine d’ordonnances programmées.

Par points

Le montant de la retraite dépendra du nombre de points accumulés « tout au long de la carrière professionnelle » et non plus de la durée de cotisation (en trimestres) et du salaire de référence (25 meilleures années dans le privé, 6 derniers mois dans le public).

Unité de compte fondamentale du futur système, le point aura une « valeur d’acquisition » (durant la carrière) et une « valeur de service » (pour le calcul de la pension), qui ne pourront pas baisser, ni augmenter moins vite que l’inflation.

La valeur du point sera calculée à l’aide d’un « nouvel indicateur » de l’Insee sur « l’évolution du revenu moyen d’activité par tête », la gauche critiquant un « amateurisme coupable » en fondant un modèle sur « un indicateur qui n’existe pas » à ce jour.

Autre sujet sensible, la prise en compte de la pénibilité de certaines professions, sur laquelle les discussions avec les partenaires sociaux n’ont pas encore abouti.

Le gouvernement prévoit toutefois dans le texte de généraliser la visite médicale à 55 ans pour les travailleurs exposés à des facteurs des pénibilité et veut améliorer les modalités d’acquisition des points, dans le cadre du compte professionnel de prévention, pour les travailleurs exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels.

Le projet de loi intègre aussi un « congé de reconversion » pour les personnes soumises à la pénibilité, pouvant aller jusqu’à six mois.

Age d’équilibre

L’âge légal de départ restera maintenu à 62 ans (ou moins pour certaines professions), mais il faudra « travailler un peu plus longtemps » pour toucher une retraite à taux plein.

Un « âge d’équilibre », assorti d’un « mécanisme de bonus-malus » de 5% par an, aura ainsi pour objectif « d’inciter les Français à partir plus tard avec une meilleure pension ».

Dans un premier temps, le gouvernement envisageait son entrée en vigueur dès 2022, pour le porter progressivement à 64 ans en 2027. Face à l’opposition des syndicats, cette « mesure de court terme » a été retirée du projet de loi, une « conférence des financeurs » devant proposer d’ici fin avril d’autres moyens « d’atteindre l’équilibre financier ».

Départs anticipés

Les fonctionnaires exerçant certaines « fonctions régaliennes » (policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens) pourront toujours partir en retraite à 57, voire 52 ans. Idem pour les militaires, qui garderont le droit de toucher une pension après 17 ou 27 années de « services effectifs ».

Pour les autres fonctionnaires des « catégories actives » et les salariés des régimes spéciaux, l’âge légal sera progressivement relevé à 62 ans, mais l’extension du « compte pénibilité » et de la retraite pour incapacité permanente déjà en vigueur dans le secteur privé permettra à certains de cesser le travail à 60 ans.

Le gouvernement a également repris un amendement communiste sur les égoutiers. Ceux recrutés avant le 1er janvier 2022 pourront partir à 52 ans.

Dans la fonction publique hospitalière, les fonctionnaires ayant opté pour leur maintien dans la catégorie B pourront continuer à partir à 57 ans.

Fins de carrière

La retraite progressive, qui permet de toucher une partie de sa pension en continuant de travailler à temps partiel, sera étendue aux salariés en forfait-jours, aux régimes spéciaux et aux agriculteurs.

Les règles du cumul emploi-retraite seront modifiées pour que ceux qui touchent une pension à taux plein puissent engranger des points supplémentaires quand ils reprennent une activité.

Pension minimum

Les futurs retraités « ayant effectué une carrière complète » recevront si nécessaire « des points supplémentaires » afin que leur pension atteigne 1.000 euros net en 2022, puis 83% du Smic net en 2023, 84% en 2024 et 85% en 2025.

Droits familiaux

Chaque enfant donnera droit à « une majoration en points de 5% », dont la moitié sera attribué à la mère au titre de la maternité. L’autre moitié pourra être partagée entre les deux parents ou attribuée à l’un ou l’autre.

Un bonus supplémentaire de 2% sera accordé pour le troisième enfant et réparti à parts égales entre le père et la mère, à moins qu’ils en décident autrement.

Des points supplémentaires seront attribués aux parents isolés.

Droits conjugaux

La pension de réversion garantira au conjoint survivant, à partir de 55 ans et après au moins deux ans de mariage, « 70% des points de retraite acquis par le couple ».

Ces règles ne s’appliqueront toutefois « qu’à partir de 2037 », pour les personnes ayant intégré le système universel.

Le gouvernement assure que les personnes divorcées pourront bénéficier d’un pourcentage de pension de réversion de leurs ex-conjoints décédés.

gbh-parl/dch/mm

Iran: la chercheuse française Adelkhah de retour en prison après son hospitalisation

Fariba Adelkhah, une universitaire franco-iranienne détenue en Iran depuis juin, a retrouvé sa cellule de prison après avoir été hospitalisée, a indiqué samedi son avocat, disant continuer à craindre pour sa santé, et une éventuelle contamination au nouveau coronavirus.

Mme Adelkhah est revenue dans « la section pour femmes de la prison d’Evine », mais « continue de se plaindre de graves douleurs aux reins », a déclaré son avocat, Me Saïd Dehghan, qui a demandé son envoi dans un hôpital équipé de matériel radiographique.

Ces soucis de santé sont la conséquence de la grève de la faim menée par cette anthropologue renommée de fin décembre à mi-février, avait-il précisé antérieurement.

Alors que l’Iran recensait samedi 593 cas de contamination au nouveau coronavirus, dont 43 décès, Me Dehghan s’est cependant dit « inquiet d’une infection éventuelle » de Mme Adelkhah lors d’un passage à l’hôpital.

Son compagnon, l’universitaire français Roland Marchal, détenu comme elle depuis juin par la République islamique, « est malade et en mauvais état, mentalement et physiquement », a-t-il affirmé, alors que la première audience du procès de Mme Adelkhah et M. Marchal est fixée au 3 mars.

Il a indiqué avoir « recommandé d’annuler les visites conjugales entre les époux de peur d’une propagation du virus dans la prison, ce qui a été accepté par le chef de l’Organisation pénitentiaire ».

Une autre détenue, l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, a dit craindre d’avoir été contaminée par le nouveau coronavirus à la prison d’Evine, selon sa famille.

« Je ne vais pas bien. Je me sens très mal en fait. C’est un drôle de rhume, pas comme d’habitude », a-t-elle confié samedi, selon des propos reproduits dans un communiqué de ses soutiens.

Arrêtée en avril 2016 en Iran et condamnée à cinq ans de prison, Mme Zaghari-Ratcliffe a ajouté avoir de la fièvre, souffrir d’un « sévère mal de gorge » et tousser depuis plus d’une semaine.

En dehors de la Chine, épicentre de l’épidémie, l’Iran est le pays où ont été annoncées le plus de morts liées au nouveau coronavirus. Les autorités ont été accusées de minimiser le nombre de décès.

Au total, le nombre de cas de nouveau coronavirus dans le monde s’élevait à 85.919, dont 2.941 décès, dans 61 pays et territoires, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles samedi à 17h00 GMT.

Coronavirus: quelle est l’ampleur réelle de l’épidémie en Iran?

Des experts internationaux s’interrogent sur l’étendue réelle de l’épidémie de nouveau coronavirus en Iran, pays qui concentre déjà le plus grand nombre de morts hors de Chine et foyer de contamination qui pourrait propager la maladie dans la région.

Si Téhéran ne nie pas que l’épidémie « se propage » avec 43 décès confirmés et 593 cas, d’autres bilans non officiels sont beaucoup plus lourds.

Selon le service persan de la BBC, qui dépend du groupe audiovisuel britannique public, le nombre de morts s’élèverait à 210, un chiffre immédiatement démenti samedi par le ministère iranien de la Santé.

L’organisation d’opposition en exil des Moudjahidines du peuple, considérée comme « terroriste » par Téhéran, a pour sa part affirmé que l’épidémie avait fait « plus de 300 morts » et jusqu’à « 15.000 » infectés dans le pays.

Six épidémiologistes basés au Canada ont quant à eux estimé, via un modèle mathématique, que l’Iran pourrait avoir plus de 18.000 cas sur son sol.

Leurs calculs, pas encore validés par leurs pairs, prennent notamment en compte le nombre de cas dans des pays étrangers ayant pour origine un voyage en Iran.

« Quand un pays commence à exporter des cas vers d’autres destinations, il est très probable que l’infection dans ce pays soit significative », assure à l’AFP Isaac Bogoch, spécialiste des maladies infectieuses à l’université de Toronto et coauteur de cette étude publiée le 25 février sur la plateforme MedRxiv.

– « Position de faiblesse » –

Cette semaine, l’ONG Reporters sans Frontières s’est jointe au concert de critiques contre Téhéran sur cette crise, accusant le régime de dissimuler des informations sur la propagation du nouveau coronavirus.

« Les autorités affirment contrôler la situation, mais refusent de publier le nombre exact des personnes infectées et décédées », estime l’organisation.

Samedi, le porte-parole du ministère de la Santé Kianouche Jahanpour a réagi à ces critiques en accusant les médias étrangers de diffuser de fausses informations.

« Chez les radicaux en Iran, il y a une obsession de ne pas donner d’arme à l’ennemi et de ne pas apparaître en position de faiblesse », analyse Thierry Coville, spécialiste de l’Iran à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

« Parler du coronavirus sera bientôt considéré comme troubler l’opinion publique, agir contre la sécurité nationale et insulter le président! », s’inquiète pour sa part Assieh Bakeri, une Iranienne, sur Twitter.

– « C’est inquiétant » –

Un autre chiffre interpelle: avec plus de 7% de décès pour le nombre de cas recensés, l’Iran affiche un ratio « nombre de cas/nombre de morts » largement plus élevé que celui des autres pays.

En Chine, il est par exemple deux fois moins élevé (3,5%), tout comme en Italie (2%), deux pays fortement touchés.

« En Iran, les premiers cas ont été détectés avec le décès de patients. Donc si on calcule le ratio entre le nombre de cas et le nombre de morts de cette façon, il sera très élevé », explique à l’AFP Cécile Viboud, épidémiologiste au National Institutes of Health (Etats-Unis).

Quelle que soit la véracité des chiffres officiels, l’Iran est sans conteste l’un des principaux foyers de contamination hors de Chine.

Une situation aggravée par la situation économique actuelle. Le pays traverse une crise majeure avec le rétablissement depuis 2018 de sanctions américaines qui affectent particulièrement ses exportations de pétrole.

« Pourquoi l’Iran n’a-t-il pas arrêté les vols vers la Chine? Il y a une explication rationnelle: la Chine est l’un des derniers pays à leur acheter du pétrole. Ils ont besoin de maintenir ce lien économique », rappelle Thierry Coville.

« Avec les sanctions, on peut dire que le gouvernement a perdu au moins 30% de ses recettes budgétaires. Cela a forcément un impact sur leur système de santé », ajoute le chercheur.

Situé aux portes du Moyen-Orient et de certains pays à la situation humanitaire délicate, ce foyer a de quoi inquiéter.

« C’est inquiétant, tant pour la santé publique en Iran que par la forte probabilité d’une propagation aux pays voisins dont les capacités à répondre à une épidémie d’une maladie infectieuse sont plus faibles », soulignent les épidémiologistes canadiens dans leur étude.

Plusieurs pays comme le Qatar, l’Azerbaïdjan, le Liban ou encore l’Irak ont enregistré des cas de contamination sur leurs sols de personnes revenant d’Iran.

Les autorités iraniennes ont commencé à prendre des mesures pour endiguer la propagation de l’épidémie: annulation de la grande prière du vendredi dans plusieurs villes, fermetures de toutes les écoles jusqu’à mardi, fermeture du Parlement « jusqu’à nouvel ordre » et restrictions à la libre circulation dans le pays.

burx-pid/mig/eh/on

L’article 49-3 de la Constitution utilisé par Edouard Philippe

L’article 49-3 de la Constitution, auquel Edouard Philippe recourt pour le projet de réforme des retraites, permet au Premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur un texte de loi, pour le faire adopter sans vote.

Sous la Ve République, cet outil a déjà été utilisé quelque 90 fois. L’article 49-3 s’est « progressivement mué en une arme multifonctionnelle, donnée à des Premiers ministres qui abusèrent des facilités qu’elle leur offrait », notait le spécialiste du droit constitutionnel Guy Carcassonne dans son ouvrage « La Constitution ».

Initialement prévu pour « remédier à l’absence de majorité », il peut aussi servir en cas d' »impatience de la majorité » pour abréger les débats, comme pour cette réforme des retraites qui patinait.

Le projet de loi est considéré comme adopté, sans vote, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée nationale. La motion est débattue au plus tôt 48 heures après son dépôt, et, si elle est approuvée par la majorité absolue des députés, le gouvernement doit démissionner.

L’article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire et un seul autre type de texte durant la session parlementaire. Mais une fois que le Conseil des ministres l’a autorisé, le Premier ministre peut le dégainer à chacune des lectures successives devant l’Assemblée nationale.

En revanche, il ne peut être utilisé devant le Sénat, celui-ci n’ayant pas le pouvoir de renverser le gouvernement.

Cette procédure est en principe peu risquée pour le gouvernement, car il est politiquement difficile à des députés de la majorité, même très critiques, de voter une motion de censure de l’opposition. Dans le cas présent, Edouard Philippe ne prend même aucun risque alors que sa majorité est largement assurée sur la réforme des retraites. C’est la première fois qu’il fait usage de cette arme de la Constitution.

Sous la Ve République, une seule motion de censure a été votée, en 1962, contre le gouvernement de Georges Pompidou. Le général de Gaulle, président de la République, avait alors dissous l’Assemblée, et les législatives s’étaient soldées par une large victoire de ses partisans.

Mais l’article 49-3 constitue souvent pour un gouvernement l’aveu de son impuissance à faire voter des textes cruciaux. Minoritaire à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Rocard (1988-1991) l’avait souvent utilisé.

Le dernier recours au 49-3 par un gouvernement de droite remonte à 2006 lorsque Dominique de Villepin avait fait passer le projet de loi Egalité des chances instaurant le Contrat première embauche (CPE), qui n’a finalement jamais vu le jour.

Manuel Valls l’a utilisé trois fois en 2015 pour faire passer la loi « pour la croissance et l’activité » de son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron… alors très réticent.

Puis en 2016, il y a eu à nouveau recours à trois reprises pour faire adopter la loi Travail de Myriam El Khomri, ce qui avait poussé 56 députés de la majorité à tenter en vain de déposer une inédite motion de censure contre le gouvernement.

Lionel Jospin et François Fillon n’ont jamais utilisé le 49-3 quand ils étaient Premier ministre.

Recours au 49-3: les précédents depuis le gouvernement Rocard

L’article 49-3 de la Constitution, dont s’est saisi samedi Edouard Philippe pour faire adopter la réforme des retraites, a été utilisé par de nombreux Premiers ministres depuis Michel Rocard, champion en la matière.

Jean-Marc Ayrault (2012-2014) et François Fillon (2007-2012) n’y ont cependant jamais eu recours. De même, Lionel Jospin (1997-2002), durant la cohabitation avec Jacques Chirac, n’a jamais fait appel à cette disposition qui permet de faire adopter sans vote un projet de loi, si aucune motion de censure n’est votée contre le gouvernement par l’Assemblée nationale.

Dans la plupart des cas où l’article 49-3 a été utilisé, l’opposition a déposé une motion de censure, à chaque fois rejetée.

– Michel Rocard (mai 1988-mai 1991)

Faute de majorité absolue au Parlement, Michel Rocard engage à 28 reprises sa responsabilité via l’article 49-3 au début du second septennat de François Mitterrand. Quinze textes sont ainsi adoptés, notamment la loi créant le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et la loi de programmation militaire 1990-1993.

– Edith Cresson (mai 1991-avril 1992) –

Elle fait usage à huit reprises du 49-3, pour faire passer en force quatre projets de loi, dont le budget 1992 et la création de l’Agence du médicament.

– Pierre Bérégovoy (avril 1992-mars 1993) –

Le dernier Premier ministre socialiste de François Mitterrand utilise trois fois l’article, sur la maîtrise des dépenses de santé, le budget 1993, le Fonds de solidarité vieillesse.

– Edouard Balladur (mars 1993-mai 1995) –

Disposant d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, durant la seconde cohabitation entre la droite et François Mitterrand, il ne dégaine l’article 49-3 qu’une seule fois, sur les privatisations d’entreprises publiques, pour couper court à « l’obstruction parlementaire » menée, selon lui, par l’opposition, qui a déposé quelque 3.800 amendements.

– Alain Juppé (mai 1995-juin 1997) –

Le Premier ministre de Jacques Chirac a recours à deux reprises à l’article 49-3: en décembre 1995 pour faire passer le projet de loi l’autorisant à légiférer par ordonnances pour réformer la protection sociale, puis en juin 1996 pour faire adopter le projet de loi sur le statut de France Télécom, avant la fin de la session parlementaire.

– Jean-Pierre Raffarin (mai 2002-mai 2005) –

Premier ministre après la réélection de Jacques Chirac, il s’est saisi deux fois de l’article 49-3. Alors que la gauche et l’UDF ont déposé quelque 13.000 amendements sur sa réforme des modes de scrutin régional et européen, il décide une première fois le 15 février 2003 d’engager la responsabilité de son gouvernement.

Le 27 juillet 2004, M. Raffarin utilise à nouveau le 49-3 pour le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales qui favorise la décentralisation.

– Dominique de Villepin (mai 2005 – mai 2007) –

Le 9 février 2006, Dominique de Villepin utilise le 49-3 pour faire passer le projet de loi pour l’égalité des chances, qui inclut le très contesté Contrat première embauche (CPE). Le projet de loi sera adopté, mais la mobilisation massive de la rue finira par signer la mort du CPE, qui sera abrogé.

– Manuel Valls (mars 2014 – décembre 2016) –

Le 17 février 2015, Manuel Valls utilise le 49-3 pour faire passer en première lecture le projet de loi d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, « pour la croissance et l’activité », face à l’opposition attendue de députés PS, hostiles notamment à l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche.

Une motion de censure déposée par l’UMP et l’UDI est rejetée.

Les 16 juin et 9 juillet, nouveaux recours au 49-3 pour le même texte, sans motion de censure dans le second cas. Le texte sera définitivement adopté.

Le 10 mai 2016, M. Valls utilise à nouveau le 49-3 pour l’adoption sans vote en première lecture de la loi travail défendue par Myriam El Khomri, ce qui pousse 56 députés de la majorité à tenter en vain de déposer une inédite motion de censure contre le gouvernement – il leur manque deux voix. Celle déposée par la droite est retoquée le 12 mai.

Le 5 juillet, le Premier ministre engage de nouveau la responsabilité de son gouvernement.

Le 20 juillet, il déclenche un troisième et ultime 49-3 pour l’adoption définitive, et sans vote, du projet de loi travail.

Retraites: treize jours hors norme à l’Assemblée en cinq actes

Une guérilla parlementaire féroce, des tensions, quelques dérapages et un coup de tonnerre surprise avec l’annonce du 49-3: le parcours hors norme de la réforme des retraites à l’Assemblée en V actes.

Acte I – L’ouverture

Après des semaines de contestation dans la rue, le marathon démarre dans l’hémicycle le lundi 17 février dans une atmosphère déjà électrique. Contestée par toutes les oppositions, la réforme qui vise à créer un système « universel » de retraite par points n’a pas pu être examinée intégralement en commission, fait inédit, pour cause d’avalanche d’amendements des Insoumis.

Pour la séance, 41.000 amendements sont déposés (pour l’essentiel par la gauche de la gauche). LFI assume l' »obstruction » et promet de tenir « la tranchée », le PCF dénonce un projet « monstrueux ».

Quinze jours de débats sont programmés, le gouvernement tablant sur une adoption en première lecture avant les municipales et un feu vert définitif « d’ici l’été ».

Mais déjà des « marcheurs » préviennent en coulisse qu’ils n’excluent pas un 49-3 (adoption sans vote) si le débat est « clairement impossible ».

Acte II – Le bras de fer commence

Le président de l’Assemblée Richard Ferrand (LREM) tente dès le mardi de cadrer les discussions en s’appuyant sur le règlement interne, avec notamment un seul orateur sur les amendements identiques. Une troisième semaine de débat est annoncée, week-end compris.

Dans l’hémicycle, de nouvelles tensions émergent : les communistes attaquent les « marcheurs », leur reprochant d' »insulter la mémoire » de leur camp. « Vous auriez été beau dans la Résistance! », lance le secrétaire national du PCF Fabien Roussel.

Les rappels au règlement et suspensions de séance en série commencent, émaillés d’invectives, et le début de l’examen des premiers amendements est poussif. La majorité se dit « consternée » et plaide pour « un vrai débat ».

Acte III – L’enlisement

Dès le troisième jour, les débats virent au blocage. Les rappels au règlement s’enchaînent encore dans une atmosphère houleuse.

Richard Ferrand prévient que faute de changement de rythme, il faudrait 150 jours pour arriver au bout du texte.

Des élus de la majorité disent leur « honte » que l’Assemblée « se transforme en cirque ».

« Chenil », « tyrannie », « petites connes »…., le ton monte aussi sur le web entre certains députés, avec des répercussions jusque dans l’hémicycle.

Dans le brouhaha, les élus LR, qui veulent incarner une « troisième voie » entre la gauche et la majorité, plaident pour que le fonctionnement de l’Assemblée ne soit pas bloqué « par une partie de ping-pong ».

Acte IV – Dans l’oeil du cyclone

Les échanges commencent à tourner en boucle, toujours sur l’article 1er consacré aux « principes généraux » de la réforme, certains évoquant « un jour sans fin ».

Le secrétaire d’État Laurent Pietraszewski, au banc depuis le départ, se dit « pantois » de ce débat « sur des mots ». Il faudra six jours pour voir adopté un premier amendement et huit jours d’un impossible dialogue pour passer le cap de l’article 1.

Au 9e jour, Edouard Philippe demande aux députés LREM de « tenir », mais laisse ouverte la possibilité du 49-3.

Dans la soirée, la majorité déserte momentanément l’hémicycle pour protester contre « l’obstruction » – une « mise en scène » pour les oppositions. Après leur retour, le co-rapporteur Nicolas Turquois (MoDem) met le feu aux poudres en lançant: « vous n’êtes rien »… s’excusant par la suite.

Tout le monde a en tête un déclenchement imminent du 49-3, et le jeu du mistigri a démarré: la majorité accuse la gauche de la gauche de vouloir l’y « emmener » par l’obstruction, LFI affirme que les « marcheurs » le « préparent » en surjouant « l’indignation ».

Personne ne voulant en porter le chapeau, c’est ensuite le rétropédalage général: la gauche de la gauche joue la carte du débat de fond, la majorité leur demande de retirer des amendements pour avancer.

Les débats avancent cahin-caha, entre accusations mutuelles de « déni de démocratie » et quelques sous « remis dans le jackpot » par les uns et les autres.

Acte V – Le coup de théâtre

Dans un hémicycle dégarni pour le deuxième week-end consécutif, l’Assemblée vote dans la matinée l’application de la réforme aux régimes spéciaux, un point sensible.

Dans les couloirs, le bruit commence à monter de l’arrivée du Premier ministre. Après une suspension de séance, Edouard Philippe fait l’annonce surprise du recours au 49-3 après 115H d’échanges, afin de « mettre fin à cet épisode de non-débat ».

Motion de censure: une procédure fréquente, une seule fois avec succès

Plus de 100 motions de censure ont été déposées depuis 1958, à l’instar de celles déposées par la droite et la gauche sur la réforme des retraites, mais une seule a été adoptée, en 1962, qui avait fait chuter le gouvernement de Georges Pompidou.

Une motion peut être déposée de façon spontanée par les députés pour censurer la politique d’un gouvernement (art 49-2), comme ce fut le cas, avec succès, dans la nuit du 4 au 5 octobre 1962, ou en vain à de nombreuses autres reprises.

Elle peut aussi être utilisée en réaction à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte (art 49-3), comme ce samedi par le Premier ministre Edouard Philippe.

Aucune motion de censure déposée suite à un 49-3 n’a été adoptée depuis la naissance de la Ve République en 1958.

Le dépôt de deux motions de censure simultanées n’est pas sans précédent sous la Ve République, le dernier cas remontant à l’été 2018 lors de l’affaire Benalla.

En 1979 et 1980, socialistes et communistes avaient ainsi déposé plusieurs motions parallèles contre le gouvernement Raymond Barre, visant les projets de loi de Finances. Les votes sont dans ce cas séparés, ce qui implique qu’un député peut théoriquement apporter sa voix à deux motions.

En 1962, la motion de censure des opposants au projet d’élection du président de la République au suffrage universel est déposée par le centre, les socialistes et la droite non gaulliste. Elle est adoptée le vendredi 5 à 04H40 du matin par 280 députés sur 480.

Le 6 octobre, Georges Pompidou remet la démission de son gouvernement au général de Gaulle, qui le prie de rester provisoirement en fonction puis dissout l’Assemblée nationale. Le « oui » à l’élection présidentielle au suffrage universel l’emporte largement lors d’un référendum le 28 octobre, et les gaullistes remportent les élections législatives un mois plus tard. Pompidou est alors confirmé à son poste par le président de la République.

Incidents en marge du concert d’une star congolaise à Paris: 51 gardes à vue samedi

Le parquet de Paris a indiqué à l’AFP que « 51 gardes à vue étaient en cours samedi matin » suite aux manifestations et aux incendies intervenus vendredi gare de Lyon à Paris en marge du concert de la star congolaise Fally Ipupa.

Le chanteur de rumba congolaise, accusé d’être proche du pouvoir en place en République démocratique du Congo (RDC), ne s’était pas produit en France depuis des années, par peur de débordements. Avant le début de son concert à l’AccorHotels Arena, de multiples incidents ont éclaté vendredi en début de soirée aux abords de la gare et du quartier proche de Bercy.

Plusieurs scooters et poubelles ont été incendiés, dégageant d’épaisses volutes de fumée dans la zone. Envahie par les fumées, la partie souterraine de la gare a été évacuée par précaution et le trafic des métros et RER a été perturbé.

Vers 18H30, les feux ont été maîtrisés par les pompiers et une trentaine de véhicules, surtout des deux-roues, entièrement carbonisés, avait constaté une journaliste de l’AFP.

La préfecture de police avait placé le concert sous haute surveillance, en interdisant les multiples manifestations prévues par les opposants. Mais depuis plusieurs jours, la bataille d’opinions faisait rage sur Twitter autour de la venue du chanteur.

Les premières interpellations de manifestants bravant l’interdiction ont débuté dès la mi-journée. A 23H00, 71 personnes avaient été interpellées, selon la préfecture, qui a dénoncé le « comportement scandaleux » de certains manifestants qui ont entravé l’action des pompiers.

Le « meneur des incendiaires » fait partie des personnes interpellées, avait précisé une source policière.

A Dakar, des citoyens nettoient une plage envahie de déchets médicaux dangereux

Des enfants avaient transformé en terrain de football une plage de Dakar jonchée de compresses, flacons de sang et aiguilles souillées, abandonnés sur le sable par des hôpitaux voisins. Samedi, des citoyens ont nettoyé le bord de mer de ces déchets dangereux.

Bordée d’eaux turquoises et de chantiers de construction, la plage du Cap-Manuel, jouxtant le centre-ville de Dakar, est remplie de monde. Quelque 200 bénévoles de tous âges et de plusieurs nationalités bravent le chaud soleil pour enlever les déchets médicaux de cette plage, habituellement très fréquentée par les Dakarois.

Une vidéo diffusée fin janvier par un lanceur d’alerte écologiste, Riad Kawar, avait suscité un émoi dans le pays. Elle montrait des dizaines de seringues, cathéters, tubes médicaux usagés abandonnés sur la plage.

« Quand ma vidéo a été diffusée, des médecins m’ont dit que les seringues visibles sur la plage sortaient de blocs de maladies infectieuses, et qu’elles auraient dû être incinérées », explique M. Kawar.

« On est arrivé à un stade de saturation écologique. Il fallait faire quelque chose », martèle t-il, en embrassant du regard la file de bénévoles se dirigeant vers la plage.

El Hadj Abdoulaye Seck, un Franco-sénégalais d’une quarantaine d’années en vacances à Dakar, est parmi eux. « Ce projet est d’une importance capitale. C’est un devoir pour tout citoyen sénégalais de participer au développement de notre pays », dit-il, souriant, avant de se munir d’une fourche et d’un seau.

Près de lui, un groupe de jeunes filles ratisse le sable à la recherche de tubes abandonnés. « Cette plage est la nôtre. Nous devons la garder propre pour les générations futures », explique Nogaye Diop, 25 ans, étudiante en management.

Ces déchets sont jetés depuis la falaise qui surplombe la plage par les hôpitaux attenants dont certains ne disposent pas d’incinérateur. A demi-mots, Dibocor Sène, chef de service de la division hygiène hospitalière de l’hôpital Le Dantec, qui jouxte la plage, explique que l’incinérateur censé brûler les déchets connaît des défaillances mécaniques.

« En cas de panne, nous avons un local de stockage des déchets. Mais de temps en temps, ça peut déborder. Quand il est rempli, les sacs sont empilés devant l’incinérateur (puis jetés sur la plage). C’est sans doute ce qui a causé ce tollé », explique M. Sène.

Municipalité, société de collecte des ordures, ministère de la Santé: les autorités contactées par l’AFP se sont renvoyées la responsabilité de l’abandon de ces déchets dans l’espace public. Une enquête a été ouverte par les autorités pour déterminer l’origine des déchets médicaux sur la plage.

« Est-on en Grèce? »: les migrants à l’assaut de la frontière terrestre gréco-turque

Certains jettent des morceaux de bois en feu, d’autres tentent de découper les barbelés: des milliers de migrants s’étaient massés samedi au poste-frontière de Kastanies, où quelque 500 soldats et policiers grecs tiraient sporadiquement des gaz lacrymogènes pour les empêcher d’entrer de Turquie dans l’UE.

A des kilomètres de là, des centaines de réfugiés ont réussi à pénétrer par groupes dans le nord de la Grèce en traversant à l’aube le fleuve Evros, qui longe la frontière sur 200 kilomètres, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Est-on en Grèce? », demande un jeune homme, qui a franchi la frontière dans la boue avec un groupe de 20 personnes. « Où peut-on trouver un taxi ou un train pour aller à Athènes », ajoute le réfugié afghan, rencontré sur une route locale près de la ville d’Orestiada.

La Turquie a annoncé vendredi qu’elle laisserait ouvertes aux migrants ses frontières avec l’Union européenne (UE). Depuis, militaires et policiers grecs ont renforcé leurs patrouilles le long du fleuve Evros, avertissant par haut-parleur de l’interdiction d’entrer en Grèce.

Mais la zone est vaste et ardue à surveiller. Les autorités grecques utilisent des drones pour tenter de localiser les groupes de migrants marchant près de la ligne invisible et surveiller leur avancée.

« Le fleuve Evros est vraiment très long et il y a des passages faciles », a souligné Christos Metios, gouverneur de Macédoine de l’Est et de Thrace. « Les forces de l’ordre grecques multiplient les efforts mais certains migrants arrivent à passer », a-t-il dit sur Skai TV.

« Depuis tôt ce matin, nous procédons sans cesse à des arrestations. Ce qui me frappe c’est que la plupart sont des jeunes hommes en provenance d’Afghanistan, sans bagage », rapporte un policier à l’AFP. Avec ses collègues, il vient d’interpeller dix migrants et les conduit à bord de deux vans blancs au poste de police le plus proche.

Au poste-frontière de Kastanies (Pazarkule côté turc), quelque 4.000 migrants et réfugiés se sont massés derrière les grillages, selon une source policière grecque, contre 1.200 la veille.

Certains ont grimpé aux arbres, d’autres ont cassé du béton qu’ils jettent du côté grec, d’autres encore lancent des grenades lacrymogènes par-dessus les fils barbelés.

Sur place, Panagiotis Harelas, président des garde-frontières grecs, montre aux médias certaines de ces grenades de fabrication turque: « Nous faisons face à la propagande turque et à des grenades lacrymogènes turques », fustige-t-il.

– Trempés et épuisés –

Sur les routes secondaires proches de la frontière, des groupes de réfugiés marchent sans relâche, certains ont perdu leurs chaussures dans le fleuve, ils sont trempés et couverts de boue, épuisés par des heures de marche dans le froid et sous la pluie.

Ils cherchent un moyen de rejoindre Thessalonique, la deuxième ville du pays, à 3 heures de route de là, ou Athènes, espérant contacter des représentants des Nations unies.

« Nous marchons depuis quatre jours. Nous avons traversé le fleuve car il n’y avait pas beaucoup d’eau », raconte à l’AFP un Iranien de 36 ans.

« Je veux atteindre l’Albanie et de là gagner l’Europe », confie ce réfugié rencontré près du village de Neo Cheimonio. Il a passé la frontière avec un groupe d’Afghans et d’Africains, sans bagages, dont les vêtements sont détrempés par les pluies de la nuit.

Dans le village de Marassia, à deux pas du fleuve, Popi Katrivezi, la propriétaire du café, a « l’habitude » de voir passer des réfugiés « depuis des années. « Mais ce qui se passe depuis vendredi est du jamais vu. Il semble qu’ils arrivent par milliers depuis la Turquie », dit-elle à l’AFP.

A quelques mètres de là, des familles afghanes ont trouvé refuge depuis une dizaine d’heures dans une chapelle. Il y a cinq enfants, ils ont faim et leurs vêtements sont mouillés. « Aidez-nous », implorent-ils, en demandant de l’eau et de la nourriture.

En Israël, derniers meetings de Netanyahu et Gantz avant les élections

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, inculpé pour corruption, et son rival Benny Gantz bouclent samedi soir leur troisième campagne électorale en moins d’un an dont l’issue dépend désormais de la volonté des électeurs à se rendre aux urnes.

Après deux élections n’ayant pas réussi à faire de vainqueur, en avril et septembre, les derniers sondages placent les deux rivaux au coude-à-coude pour cette dernière épreuve d’un long triathlon politique en Israël.

Selon ces projections, le Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu et la formation centriste Kahol Lavan (Bleu blanc, couleur du drapeau israélien) obtiendraient 33 sièges chacun sur les 120 de la Knesset, le Parlement, un score quasi identique aux derniers scrutins.

Et en comptant leurs alliés respectifs – la droite et les partis religieux pour M. Netanyahu, le centre-gauche pour M. Gantz – aucun des deux grands blocs n’obtiendrait suffisamment d’appuis pour former un gouvernement selon ces sondages.

Samedi, jour de repos en Israël, les deux leaders se préparaient en journée à leurs derniers rassemblements de campagne prévus en soirée, après le shabbat, à Tel-Aviv pour M. Gantz et dans ses environs pour M. Netanyahu. Et leur message devrait être clair: galvaniser les électeurs.

Pour une troisième élection en moins d’un, la grande inconnue demeure le taux de participation. D’avril à septembre, la participation avait légèrement progressé (+1,5 point), en raison notamment du vote plus important que prévu des électeurs arabes, pour s’établir à près de 70%.

Les partis arabes israéliens, réunis sous la bannière de la « Liste unie », avaient gravi la troisième marche du podium et espère cette fois encore augmenter leur nombre de sièges en misant sur l’opposition au « plan Trump » pour le Moyen-Orient défendu par MM. Netanyahu et Gantz.

« Nous voulons la chute de Netanyahu car c’est le plus grand provocateur des citoyens arabes et c’est le parrain de ‘l’accord du siècle' », surnom du projet américain qui prévoit notamment de faire de Jérusalem la capitale « indivisible » d’Israël, a déclaré à l’AFP Ayman Odeh, le chef de la liste des partis arabes.

– Coronavirus –

Mais pour ce round 3, une inconnue s’invite dans l’arène : le coronavirus. Au cours des dix derniers jours, la campagne électorale a été en partie éclipsée dans les médias par l’épidémie mondiale de coronavirus touchant aussi Israël qui recense au moins six cas.

Les autorités ont pris une série de mesure d’urgence comme mettre sur pied un centre d’appel pour filtrer les cas potentiels et rassurer la population et bloquer l’accès au pays à des voyageurs provenant de différents pays dont l’Italie.

Pour les élections, le ministre de la Sécurité intérieure a d’ailleurs mis en garde contre la propagation de « fausses nouvelles » sur le coronavirus qui pourrait amputer, selon lui, la participation populaire aux élections de lundi, si des électeurs boudent les bureaux de vote par crainte de contamination.

– Procès Netanyahu –

Sur les boulevards de Jérusalem et Tel-Aviv, des publicités du camp Netanyahu exhortent directement les « Likoudniks » – terme désignant les sympathisants du parti Likoud – à soutenir leur chef qui est dans le viseur de la justice.

Benjamin Netanyahu, 70 ans, dont 14 au pouvoir, est devenu en novembre le seul chef de gouvernement de l’histoire d’Israël a être inculpé pendant son mandat, et de surcroît pour corruption, malversation et abus de confiance dans différents affaires.

Son procès doit s’ouvrir le 17 mars à Jérusalem, d’où l’importance cruciale de ce scrutin. S’il parvient, avec ses alliés, à obtenir une majorité de sièges au Parlement il pourra se présenter devant la justice en position de force et garder son job de Premier ministre.

Mais s’il n’arrive pas à obtenir de majorité avec ses alliés, il devra alors ferrailler pour s’imposer à la tête d’une coalition au moment même où s’ouvrira son procès pour corruption.

La Guinée-Bissau, abonnée aux coups de force politiques, a deux présidents

La Guinée-Bissau, petit pauvre pays d’Afrique de l’Ouest, s’est réveillée samedi avec deux présidents rivaux, fidèle en cela à son histoire d’instabilité chronique.

En l’espace de deux jours, Bissau a connu une succession de faits accomplis dont rien, a priori, ne permet de discerner le dénouement mais dans lesquels l’armée, actrice de premier plan des crises bissau-guinéennes, s’est engagée vendredi sans qu’apparaissent les limites de son implication future.

Jeudi, deux mois après le second tour d’une présidentielle toujours pas définitivement tranchée, celui qui a été déclaré vainqueur par la commission électorale nationale, Umaro Sissoco Embalo, a forcé le cours des évènements sans attendre que soit vidée la querelle post-électorale, et s’est fait investir président par son prédécesseur.

Depuis la présidentielle du 29 décembre, le pays est le théâtre d’un bras de fer entre M. Embalo, ancien général et ancien Premier ministre régulièrement coiffé d’un keffieh, et son adversaire Domingos Simoes Pereira, autre ancien Premier ministre.

C’est aussi une confrontation entre ceux qui ont rallié M. Embalo, issu de l’opposition, et le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC), qui domine la vie politique de cette ancienne colonie portugaise depuis son indépendance en 1974.

M. Embalo a été donné vainqueur par la commission électorale avec 53,55%. M. Pereira, crédité de 46,45%, et le PAIGC dénoncent des fraudes et réclament qu’on recompte les votes.

– Intervention de l’armée –

M. Embalo est passé outre à une décision toujours attendue de la Cour suprême, saisie par le PAIGC: après avoir ceint l’écharpe de président jeudi, il s’est installé dans le palais présidentiel.

Vendredi, il a démis le Premier ministre (PAIGC) Aristides Gomes, reconnu par la communauté internationale, et a nommé à sa place un de ses partisans, Nuno Gomes Nabiam, candidat malheureux à la présidentielle qui a rejoint son camp entre les deux tours, avec d’autres résolus à battre le PAIGC.

L’investiture de M. Nabiam et la présentation de son gouvernement sont annoncées samedi.

La crise s’est emballée vendredi quand 52 députés du PAIGC et de formations sympathisantes ont convoqué une session spéciale. Ils y ont constaté « la vacance du pouvoir » et nommé président par intérim le président de l’Assemblée nationale, Cipriano Cassama, membre du PAIGC, celui-là même qui avait refusé cette semaine d’accorder sa caution à l’investiture de M. Embalo.

M. Cassama est censé s’adresser au pays samedi.

Dans la soirée de vendredi, des militaires se sont établis dans les institutions du pays et ont pris le contrôle de la radio et de la télévision, sans qu’on sache si l’armée a choisi un camp et lequel.

Elle agit pour « garantir la stabilité et la paix, contrôler les institutions de manière à éviter d’éventuels troubles à l’ordre public », a dit à l’AFP un officier s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.

– Absence du corps diplomatique –

C’est le dernier épisode en date d’une histoire contemporaine chaotique, jalonnée de coups d’Etats ou de tentatives, le dernier putsch remontant à 2012.

Depuis 2014, le pays s’est engagé vers un retour à l’ordre constitutionnel, ce qui ne l’a pas préservé de turbulences à répétition, mais sans violence, entre le camp du président sortant et le PAIGC.

Le pays d’1,8 million d’habitants, l’un des plus pauvres de la planète, a pourtant un besoin pressant de réformes qu’a entravées la paralysie des dernières années.

Les narcotrafiquants utilisent le territoire pour faire transiter la cocaïne d’Amérique latine vers l’Europe, avec la complicité suspectée de cadres de l’armée.

C’est, avec la stabilité, l’un des grands enjeux pour la communauté internationale qui observe la situation. Le corps diplomatique était notoirement absent jeudi de la cérémonie où M. Embalo s’est fait investir.

La situation « risque d’aggraver la crise que connaît de longue date la population », s’est inquiété la Commission européenne. L’investiture d’un président devrait intervenir « au terme des procédures légales », a dit un porte-parole dans une apparente référence à la décision en suspens de la Cour suprême.

Guinée: l’opposition exige l’annulation du référendum constitutionnel reporté par le président Condé

L’opposition en Guinée refusait samedi de se contenter du report annoncé par le président Alpha Condé d’un référendum contesté et promet de poursuivre sa lutte pour annuler le scrutin, initialement prévu dimanche en même temps que les législatives.

« Nous avons entendu le report des législatives et du référendum. Nous félicitons le peuple de Guinée qui a vaillamment combattu contre ce coup d’Etat constitutionnel. Toutefois, nous ne nous satisfaisons pas de ce report », a déclaré à l’AFP Ibrahima Diallo, le chargé des opérations du FNDC, le collectif de partis et de la société civile engagé contre un éventuel troisième mandat de M. Condé, élu en 2010, puis réélu en 2015.

« Nous continuerons la lutte jusqu’au retrait complet de cette forfaiture de cette nouvelle Constitution. La lutte continue jusqu’à ce que Alpha Condé quitte le pouvoir en vertu de l’actuelle Constitution » qui limite le nombre de mandat présidentiel à deux, a ajouté M. Diallo.

Le président Condé a annoncé vendredi soir sur la télévision publique avoir « accepté un report, léger, de la date des élections (référendum et législatives). Ce n’est ni une capitulation, ni une reculade ». Il a assuré que « le peuple de Guinée exprimera librement son choix à travers le référendum et choisira librement ses députés ».

« Nous acceptons le report qui doit être de deux semaines », a-t-il ensuite précisé dans une lettre à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), consultée par l’AFP.

La commission électorale « va saisir la cour constitutionnelle pour la fixation d’une nouvelle date dans la fourchette indiquée », a-t-il écrit dans ce courrier.

Depuis mi-octobre, la mobilisation anti-Condé sous la houlette du Front national de défense de la Constitution (FNDC) donne lieu à des manifestations massives à travers le pays, à des journées villes mortes qui affectent l’économie d’un des pays les plus pauvres de la planète, et à de graves épisodes de brutalité policière.

Au moins 30 civils et un gendarme ont été tués depuis lors.

– « Ni le 1er mars, ni dans 15 jours » –

L’opposition devait se réunir samedi. Elle a annoncé une poursuite des manifestations contre le pouvoir, ont indiqué à l’AFP plusieurs de ses responsables.

Elle considère le référendum comme une manœuvre du président Alpha Condé, bientôt 82 ans, pour briguer un troisième mandat à la fin de l’année.

Le principal opposant guinéen Cellou Dalein Diallo estime que « le discours d’Alpha Condé s’apparente plus à une déclaration de guerre à l’endroit de l’opposition et du FNDC qu’à une offre de paix et de dialogue », sur Twitter. « Non au coup d’Etat constitutionnel, non à la mascarade électorale ni le 1er mars, ni dans 15 jours », a-t-il poursuivi.

Une source diplomatique occidentale à Conakry a affiché son scepticisme sur la possibilité de tenir le pari d’organiser un référendum et des législatives fiables dans les nouveaux délais de deux semaines annoncés.

Ce report « ne va pas (faire) progresser plus la machine (électorale). Le fichier électoral ne va pas évoluer en quinze jours », a-t-elle déclaré à l’AFP.

« Le report, c’est purement pour des raisons techniques. Les gens ont saccagé des matériels dans des bureaux de vote. Ca n’a rien à voir avec le fichier électoral » contesté par l’opposition, a affirmé à l’AFP le secrétaire permanent du parti présidentiel, Sékou Condé.

– Listes électorales « problématiques » –

Avant le report surprise de vendredi soir, les Guinéens étaient appelés à se prononcer dimanche sur une nouvelle Constitution, défendue comme « moderne » par le chef de l’Etat. Elle codifierait l’égalité des sexes, interdirait l’excision et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition des richesses en faveur des jeunes et des pauvres, selon lui.

Les tensions qui ont persisté à la veille du référendum ont fait redouter une aggravation des violences meurtrières, dans un pays habitué aux brutales répressions.

Les doutes exprimés par la communauté internationale quant à la crédibilité du vote se sont succédé.

L’Organisation internationale de la francophonie (OIF), accompagnatrice du processus électoral en Guinée, a jugé « problématiques » près de 2,5 millions de noms d’électeurs figurant sur les listes, avec des doublons et la présence de personnes défuntes.

L’Union européenne s’est interrogée sur « la crédibilité des échéances électorales à venir », en raison notamment de « l’absence de transparence ».

La Cédéao avait annoncé qu’elle n’enverrait pas d’observateurs. L’Union africaine avait décidé de rappeler sa mission d’observation électorale en Guinée.

En quête de soutien en Syrie, Erdogan ouvre les portes de l’Europe aux migrants

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé samedi de laisser les portes de l’Europe ouvertes aux migrants, au moment où il cherche un soutien occidental contre le régime syrien auquel il a promis de « faire payer le prix » de ses attaques militaires contre Ankara.

A la frontière entre la Turquie et la Grèce où plusieurs milliers de personnes voulant se rendre en Europe ont afflué, la situation était très tendue, avec des échauffourées entre policiers grecs tirant des grenades lacrymogènes et migrants lançant des pierres.

Des milliers de migrants, notamment des Afghans, des Irakiens et des Syriens, ont passé la nuit à la frontière, se regroupant autour de braseros de fortune à proximité du poste-frontière de Pazarkule (Kastanies, côté grec), selon des correspondants de l’AFP.

– 4.000 migrants repoussés –

Face à ces scènes qui réveillent le spectre de la grave crise migratoire qui a fait trembler l’Europe en 2015, la Grèce et la Bulgarie – également voisine de la Turquie- ont bouclé leur frontière.

M. Erdogan a affirmé que 18.000 personnes avaient « forcé les portes » pour passer en Europe vendredi, anticipant une vague de « 30.000 personnes » samedi, des chiffres qui semblent surévalués par rapport à ce que les journalistes de l’AFP ont vu sur le terrain.

Athènes a indiqué samedi avoir empêché 4.000 migrants venant de Turquie d’entrer « illégalement » en Grèce.

La Turquie, qui a conclu en 2016 avec Bruxelles un pacte visant à réduire le passage de migrants notamment vers la Grèce, a ouvert ses frontières vendredi afin de faire pression sur l’Europe pour obtenir davantage de soutien en Syrie.

Jeudi, Ankara y a essuyé ses plus lourdes pertes depuis le début de son déploiement en Syrie en 2016, avec 33 militaires tués dans des frappes aériennes attribuées au régime de Bachar al-Assad, soutenu par Moscou, à Idleb dans le nord-ouest de la Syrie. Un autre soldat turc a été tué vendredi.

Les forces turques ont riposté et ont affirmé samedi avoir détruit une « installation d’armes chimiques ».

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG, au moins 48 soldats syriens et 14 combattants du Hezbollah, allié de Damas, ont été tués dans des frappes turques.

– « Ecartez-vous » –

« Nous aurions préféré ne pas en arriver là. Mais puisqu’ils nous y ont poussés, alors ils vont en payer le prix », a déclaré M. Erdogan.

Alors que les relations entre Ankara et Moscou se dégradent rapidement à cause de la crise d’Idleb, M. Erdogan a durci le ton envers le président russe Vladimir Poutine, avec qui il s’est pourtant efforcé de cultiver une étroite relation personnelle depuis 2016.

Lors d’un entretien téléphonique vendredi, « j’ai dit à M. Poutine: +Que faites-vous là-bas (en Syrie) ? Si vous voulez établir une base, allez-y, mais ôtez-vous de notre chemin. Laissez-nous seul à seul avec le régime+ », a affirmé le président turc.

Plus conciliant, le ministère russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé samedi que Russes et Turcs avaient émis le souhait d’une « réduction des tensions » en Syrie lors de rencontres entre hauts responsables des deux pays ces derniers jours.

Selon le Kremlin, les deux présidents pourraient se rencontrer à Moscou la semaine prochaine.

Ces dernières semaines, M. Erdogan a plusieurs fois sommé les forces syriennes de se retirer de certaines zones à Idleb d’ici la fin février, menaçant sinon de l’y contraindre par la force. En théorie, ce délai arrive à expiration samedi à minuit.

Le régime syrien, appuyé par Moscou, mène depuis décembre une offensive pour reprendre la province d’Idleb, ultime bastion rebelle et jihadiste.

Sur le terrain, des affrontements entre rebelles et régime se poursuivaient samedi autour de la ville stratégique de Saraqeb, dans le sud de la province d’Idleb, selon l’OSDH, qui note toutefois une réduction de l’intensité des bombardements russes et turcs.

– « Tenez vos promesses » –

Les combats et bombardements ont provoqué une catastrophe humanitaire, faisant près d’un million de déplacés à Idleb. Le conflit en Syrie a fait plus de 380.000 morts depuis 2011.

La situation à Idleb suscite la vive préoccupation de la communauté humanitaire, qui a multiplié vendredi les appels à la fin des hostilités.

Mais au-delà d’une solidarité verbale, Ankara réclame désormais de l’aide concrète.

« Nous ne pourrons pas faire face à une nouvelle vague de réfugiés » venue d’Idleb, a prévenu samedi M. Erdogan, accusant l’Union européenne de ne pas avoir fourni toute l’aide financière promise pour accueillir les réfugiés en Turquie.

« Il faut que l’Europe tienne ses promesses (…) Si vous êtes sincères, alors il faut que vous preniez votre part du fardeau », a-t-il déclaré.

A la frontière grecque, où les nuages de gaz lacrymogène se mêlaient à la fumée âcre des feux de camps, les migrants attendaient l’occasion de passer.

« Les Grecs ont fermé la frontière (…) S’ils ne la rouvrent pas, alors nous essaierons de passer clandestinement. Hors de question de retourner à Istanbul », déclare à l’AFP Ahmad Barhoum, un réfugié syrien qui a passé la nuit sur place.

Un migrant égyptien ayant requis l’anonymat indique à l’AFP qu’il attend « une décision de la patronne de l’Union européenne, Angela Merkel », la chancelière allemande dont le pays avait accueilli plusieurs centaines de milliers de personnes lors de la crise migratoire en 2015.

Malaisie: le chef du gouvernement démissionnaire Mahathir remplacé par Muhyiddin Yassin

L’ancien ministre malaisien de l’Intérieur Muhyiddin Yassin a été nommé samedi chef du gouvernement en remplacement de Mahathir Mohamad, dont la démission le 24 février a plongé le pays dans l’incertitude politique.

L’annonce de cette nomination a été faite par des responsables du palais royal. Muhyiddin Yassin, 72 ans, prêtera serment dimanche, selon les mêmes sources.

« Le processus de désignation d’un Premier ministre ne peut pas être différé parce que le pays a besoin d’un gouvernement pour le bien-être du peuple et de la nation », a fait valoir le palais dans un communiqué.

Cette annonce marque non seulement la fin du pouvoir de M. Mahathir, 94 ans, considéré par certains comme le père fondateur de la Malaisie moderne, mais réduit aussi considérablement les chances d’un passage de relais avec son successeur désigné, Anwar Ibrahim.

M. Mahathir, le plus vieux dirigeant en exercice au monde, avait proposé mercredi de former un gouvernement d’union.

Il était revenu au pouvoir en 2018 quinze ans après l’avoir quitté, grâce à la victoire du « Pacte de l’espoir », une coalition qui comprenait nombre de ses anciens opposants, dont Anwar Ibrahim, son ex-bras droit jusque dans les années 1990 devenu son ennemi juré.

Les relations houleuses entre MM. Anwar et Mahathir dominent la vie politique en Malaisie depuis plus de 20 ans. Mais les deux hommes s’étaient alliés pour renverser en 2018 l’ex-Premier ministre Najib Razak, empêtré dans un énorme scandale de détournement de fonds.

M. Mahathir, qui avait déjà dirigé le pays de 1981 à 2003, s’était alors engagé à céder la place dans les deux ans à M. Anwar. Ce dernier, à l’époque emprisonné pour sodomie – une condamnation politique, selon ses partisans -, avait été immédiatement gracié par le roi et libéré.

La coalition « Pacte de l’espoir » a implosé il y a une semaine lorsqu’un groupe de ses parlementaires s’est joint à des partis d’opposition pour barrer la route du pouvoir à M. Anwar et tenter de former un gouvernement.

La tentative ayant échoué, MM. Mahathir et Anwar ont alors essayé chacun de leur côté de prendre le pouvoir, relançant leur ancienne rivalité.

Mais c’est Muhyiddin Yassin qui a rapidement engrangé des soutiens, dont celui de l’UMNO (Organisation nationale des Malais unis), le parti de l’ancien Premier ministre Najib Razak, et d’un parti islamiste radical.

Face à sa montée en puissance, MM. Mahathir et Anwar se sont à nouveau alliés, avec le soutien de la plupart des partis du « Pacte de l’espoir », mais en vain.

M. Muhyiddin a été membre de l’UMNO depuis des décennies et a occupé plusieurs postes de haut niveau. Il fut Premier ministre adjoint dans le gouvernement de M. Najib, avant d’être limogé à cause de ses critiques contre la corruption.

Afghanistan: Pompeo à Doha pour la signature d’un accord inédit avec les talibans

Les Etats-Unis et les talibans s’apprêtent à signer samedi un accord historique à Doha, qui ouvre la voie à un retrait total des troupes américaines après 18 ans de guerre et à des négociations de paix inédites interafghanes.

Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo est arrivé dans la journée à Doha pour assister à la signature de l’accord après des mois de négociations menées avec l’intermédiaire du Qatar.

Le texte doit être signé vers 12H45 GMT par le négociateur de Washington, Zalmay Khalilzad, et le chef politique des talibans, les insurgés afghans, Abdul Ghani Baradar.

Il ne s’agit pas d’un accord de paix à proprement parler mais il permettra d’amorcer une sortie des Etats-Unis de la plus longue guerre de leur histoire.

Vendredi, le président Donald Trump a exhorté les Afghans à « saisir la chance de la paix ». « Si les talibans et le gouvernement afghan parviennent à respecter leurs engagements, nous aurons une voie toute tracée pour mettre fin à la guerre et ramener nos soldats à la maison. »

Les autorités afghanes, elles-mêmes aux prises avec les divisions nées d’une élection présidentielle contestée, ont jusqu’ici été tenues à l’écart de ces pourparlers directs sans précédent entre talibans et Américains.

« Nous sommes à l’orée d’une opportunité historique pour la paix », avait dit Mike Pompeo. Le chef des talibans Sirajuddin Haqqani avait affirmé dans le New York Times que « tout le monde » était « fatigué de la guerre ».

« Puisque l’accord est signé aujourd’hui, et que notre peuple est heureux et le célèbre, nous avons arrêté toutes nos opérations militaires dans tout le pays », a fait valoir à l’AFP samedi à Kaboul Zabihullah Mujahid, porte-parole des talibans.

– « Spéculations » –

« Il y a tellement de spéculations sur le contenu de l’accord », dit Andrew Watkins, de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group. « On connaît les grandes lignes mais on ne sait même pas avec certitude si tous les termes de l’accord seront rendus publics. »

Ces contours sont connus depuis septembre, lorsque sa signature, imminente, a été brusquement annulée par Donald Trump qui avait invoqué la mort d’un soldat américain dans un énième attentat à Kaboul.

Cette fois, les belligérants se sont entendus sur une période d’une semaine de « réduction de la violence », globalement respectée sur le terrain par les talibans, et qui prend fin ce samedi.

Sauf incident de dernière minute, les négociateurs américains, menés par Zalmay Khalilzad, pourront signer ce pacte que M. Trump brandira pour clamer, en campagne pour sa réélection dans huit mois, qu’il a tenu une de ses promesses phares: mettre fin à la plus longue guerre des Etats-Unis.

Les termes du marché conclu entre les ennemis est le suivant: les quelque 13.000 militaires américains vont commencer à se retirer d’Afghanistan, une revendication-clé des talibans; en contrepartie, ces derniers s’engageront à bannir tout acte de terrorisme depuis les territoires qu’ils contrôlent et à entamer de véritables négociations de paix avec le gouvernement de Kaboul avec lequel ils refusaient jusqu’ici de parler.

Malgré les critiques de certains observateurs pour qui elle concède trop pour trop peu, l’administration Trump assure que les garanties fournies par les insurgés répondent à la raison première de l’intervention américaine lancée en représailles aux attentats du 11-Septembre 2001 ourdis par Al-Qaïda depuis l’Afghanistan alors dirigé par les talibans.

– « Etape préliminaire » –

Dans un premier temps, les Américains devraient ramener leurs troupes à 8.600 dans les prochains mois. Le calendrier et l’ampleur des retraits ultérieurs demeurent plus vagues, même si M. Trump n’a pas fait de mystère sur le fait qu’il veut « ramener les gars à la maison » et « mettre fin aux guerres sans fin ».

Washington insiste toutefois pour assurer que le retrait sera progressif et conditionnel au respect des engagements des talibans.

Quelque 30 pays devraient être représentés samedi à Doha, mais pas le gouvernement afghan. Ce dernier a toutefois dépêché une petite délégation pour une « première prise de contact » avec les talibans.

Parallèlement, selon des médias afghans, les Etats-Unis organiseront une cérémonie avec le gouvernement afghan à Kaboul, dans l’après-midi.

Après ces cérémonies, des négociations interafghanes devraient commencer relativement rapidement, dans une ville à déterminer. Oslo a été évoquée par le passé.

« Aujourd’hui, ce n’est qu’une étape préliminaire pour le début de ce processus, ce n’est pas encore un motif de célébration pour le gouvernement et ses alliés », estime Andrew Watkins.

Les talibans ont été chassés du pouvoir en Afghanistan par une coalition internationale menée par les Etats-Unis après les attentats de 2001. Ils ont ensuite mené une guérilla incessante.

Entre 32.000 et 60.000 civils afghans ont été tués dans ce conflit, selon l’ONU, et plus de 1.900 militaires américains.

RDC: enquêtes pour « élucider » la mort d’un haut-gradé tombé en disgrâce

Le président de la République démocratique du Congo et l’armée congolaise ont annoncé des enquêtes pour « élucider » les « circonstances » de la mort brutale vendredi d’un haut-gradé sous sanctions internationales, qui venait de tomber en disgrâce.

Chef d’état-major adjoint chargé du renseignement militaire, proche de l’ancien président Joseph Kabila, le général Delphin Kahimbi est décédé vendredi d' »une crise cardiaque », a expliqué son épouse à l’AFP.

Il venait dans les jours précédents d’être empêché de voyager, suspendu de ses fonctions et entendu par le Conseil national de sécurité (CNS), selon des sources concordantes.

« Tout en présentant ses condoléances à la famille et à l’armée, le chef de l’Etat a souhaité que les enquêtes soient rapidement menées afin de déterminer les circonstances exactes de sa mort », selon le compte-rendu du Conseil des ministres de vendredi.

Dans un message vidéo parvenu samedi à l’AFP, le haut commandement militaire a salué la mémoire de « l’un de ses valeureux officiers généraux ».

« Toutes les dispositions sont prises pour élucider les circonstances de cette douloureuse perte. Une enquête est diligentée. Les conclusions de celle-ci feront l’objet d’une communication ultérieure », a déclaré un porte-parole militaire dans ce message vidéo.

Ce décès a suscité des rumeurs aussi inévitables qu’invérifiables (suicide, assassinat…).

Âgé de 50 ans, le général Kahimbi était l’une des douze personnalités congolaises toujours sous sanctions de l’Union européenne, pour atteintes aux droits de l’homme dans les dernières années du régime Kabila (2015-2018).

Resté en place après l’investiture de M. Tshisekedi, le général Kahimbi était accusé d’avoir mis en place « un système d’écoute des autorités », d’après une source militaire à l’AFP.

On lui reproche d' »avoir espionné Félix Tshisekedi », selon une source diplomatique.

Juste avant sa mort, les États-Unis – soutien affiché du nouveau président Tshisekedi – avaient publiquement salué jeudi sa destitution.

Investi en janvier 2019, ancienne figure de l’opposition, M. Tshisekedi gouverne la RDC en coalition avec son prédécesseur Kabila, dont les partisans sont majoritaires au Parlement et dans les autres institutions du pays.

Plusieurs personnalités très influentes à l’époque du président Kabila ont cependant été mises à l’écart et affaiblies ces derniers mois.

Somalie: une milice soufi rend les armes après des combats violents

L’armée somalienne a pris d’assaut dans la nuit de vendredi à samedi le camp où s’était repliée une milice soufi, dont les membres et responsables se sont rendus après une journée de combats meurtriers, a-t-on appris de source militaire et auprès d’un témoin.

« Les forces somaliennes ont pris le plein contrôle de la base de la milice et la situation est normale maintenant. Les dirigeants de la milice soufi se sont rendus », a déclaré à l’AFP Abdullahi Ahmed, un commandant de l’armée somalienne.

Des combats, opposant l’armée du gouvernement fédéral à la milice soufi Ahlu Sunna Wal Jamaa (ASWJ) en raison d’un contentieux lié aux dernières élections régionales, avaient éclaté jeudi soir à Dhusamareb, capitale de la région semi-autonome du Galmudug.

Ils s’étaient intensifiés le lendemain et un notable local, Mohamed Moalim Adan, joint au téléphone, avait indiqué à l’AFP qu’au moins 12 personnes avaient été tuées vendredi, dont des civils, et plus de 20 blessées.

Le Parlement du Galmudug avait élu début février président de la région Ahmed Abdi Kariye, un ancien ministre connu sous le surnom de Qoor-Qoor, soutenu par le gouvernement fédéral.

Le processus électoral avait été dénoncé par le chef d’ASW, Sheikh Mohamed Shakir, qui s’était autoproclamé président. Un ancien président du Galmudug, Ahmed Duale, avait aussi revendiqué la victoire en formant son propre Parlement.

« Les combattants soufi ont été vaincus et ont rendu leurs armes. Les forces somaliennes ont le contrôle maintenant et la situation est à nouveau normale », a déclaré Fadumo Warsame, un habitant de Dhusamareb.

Samedi matin, le sheikh Shakir a tenu une conférence de presse, lors de laquelle il a affirmé avoir « décidé de faire un compromis en pensant aux civils, après avoir compris que la situation s’aggravait et conduisait à encore plus de problèmes ».

Le groupe soufi modéré a joué un rôle majeur dans la lutte contre les islamistes radicaux shebab, soutenus par Al-Qaïda, dans le Galmudug. Il a contrôlé ces dix dernières années les villes principales de la région, restée grâce à lui largement à l’abri des attaques des shebab.

En 2017, le sheikh Shakir avait accepté de rejoindre l’administration régionale, mais il s’en était plus tard distancé en raison de désaccords avec son président.

Il avait ensuite donné son accord à une nouvelle élection soutenue par le gouvernement fédéral, avant de changer d’avis et d’accuser ce dernier de manipuler le processus pour imposer une personnalité qui lui soit fidèle.

La Somalie est plongée dans le chaos depuis la chute de l’autocrate Mohamed Siad Barre en 1991, et doit notamment faire face depuis 2007 aux insurgés shebab, qui mènent de nombreux attentats contre des cibles civiles et militaires.

Ethiopie: critiques envers les méthodes de l’armée contre les groupes armés

Desta Garuma, un conducteur de pousse-pousse de 27 ans, ne s’est jamais vraiment intéressé à la politique. Sa famille ne sait donc pas pourquoi l’armée éthiopienne en est arrivée à la conclusion qu’il était impliqué dans un mouvement rebelle actif en région Oromia.

Mais un jour de janvier, cinq camions remplis de soldats criant qu’ils avaient identifié un shifta, ou bandit, – un euphémisme pour rebelle -, l’ont suivi jusqu’à sa maison.

Pendant que sa mère et sa jeune sœur se cachaient à l’intérieur, Desta était abattu de trois balles dans le dos, selon des témoins.

« Quand j’ai entendu les coups de feu, j’ai crié: +Oh mon Dieu, ils ont tué mon fils », raconte à l’AFP sa mère Likitu Merdasa.

« Mon fils n’était pas quelqu’un qui causait des problèmes. Nous espérions qu’il pourrait améliorer sa vie et la mienne. Mais maintenant, on me l’a pris, et beaucoup trop tôt ».

Cette mort n’est qu’un exemple des nombreux abus que les habitants de Nekemte, les partis d’opposition et les défenseurs des droits de l’homme imputent aux soldats dans ou aux abords de cette ville d’Oromia (ouest).

Pour les leaders communautaires, c’est la population qui souffre le plus de la répression contre les rebelles. Celle-ci s’est intensifiée cette année et prend différentes formes, comme les arrestations de masse, les coupures internet et les restrictions pesant sur les activités politiques.

L’armée éthiopienne récuse les accusations selon lesquelles ses activités mettraient les civils en danger.

Mais pour les habitants de Nekemte, la présence des soldats rappelle les régimes autoritaires passés et ternit l’image du Premier ministre Abiy Ahmed, le prix Nobel de la Paix 2019, qui essaie de mener le pays vers des élections très attendues en août, mais fait face à des violences intercommunautaires qui mettent à l’épreuve son système de fédéralisme ethnique.

Ceci est particulièrement déconcertant pour des Oromo qui s’imaginaient bénéficier de l’arrivée au pouvoir en avril 2018 du réformateur Abiy, premier chef de gouvernement issu de cette ethnie, la plus importante du pays.

– « Éliminer la menace » –

« Quand les réformes sont arrivées, nous espérions tous que ce genre de chose n’arriverait pas aux Oromo », remarque Likitu. « Mais maintenant ils viennent aux portes de nos maisons et tuent nos enfants sous nos yeux ».

L’armée cible l’Armée de libération oromo (OLA), considérée comme responsable d’une série d’assassinats, d’attentats à la bombe, de vols à main armée et d’enlèvements en Oromia.

Auparavant bras armé du Front de libération oromo (OLF), l’OLA a coupé les liens avec ce parti d’opposition, qui avait passé des années en exil, quand l’OLF a été autorisé à rentrer en Ethiopie après la prise de fonction de M. Abiy. L’OLA compterait quelques milliers de membres.

Le gouvernement ne s’est pas épanché sur les opérations militaires à Nekemte et dans la région alentour, appelée Wollega.

Mais les efforts de contre-insurrection paraissent avoir redoublé d’intensité depuis janvier, observe William Davison, analyste spécialiste de l’Éthiopie pour l’International crisis group (ICG).

« Il semble que le gouvernement a décidé de faire un effort accru pour complètement éliminer la menace des groupes armés dans la zone », estime-t-il.

Le général Tilahun Ashenafi, chargé des relations extérieures pour l’armée nationale, a défendu l’action militaire en disant n’avoir pas entendu parler de civils tués.

Les soldats agissent « comme il se doit dans cette région pour faire disparaître les éléments opposés à la paix », a-t-il affirmé à l’AFP.

Mais pour nombre d’habitants de Nekemte, c’est bien l’armée et non la rébellion qui est source d’instabilité.

– « Colère contre le gouvernement » –

Asfaw Kebede, un responsable communautaire âgé de 60 ans, dit s’être alarmé l’an passé des arrestations sans chef d’accusation de jeunes gens dans le palais Kumsa Moroda, une ancienne attraction touristique transformée selon les habitants en prison improvisée.

Quand Asfaw a commencé à amener de la nourriture aux détenus, il a été à son tour emprisonné par les soldats dans une cellule obscure pendant six semaines, avec une centaine d’autres prisonniers.

Aucune véritable nourriture ni soin de santé n’était disponible, se remémore-t-il.

Le palais était rempli de serpents et de souris, qui rentraient dans les cellules. Les détenus, effarouchés, se bousculaient pour s’en éloigner et étaient battus à coups de bâton, ajoute-t-il.

Les partis d’opposition subissent aussi la présence militaire. Des dirigeants de l’OLF et du Congrès fédéraliste oromo (OFC) racontent que leurs bureaux ont été fermés à de multiples reprises et certains de leurs membres détenus.

De telles pratiques ont l’effet inverse de celui recherché et renforcent la popularité de l’OLA, estime Tamirat Biranu, chef d’une congrégation évangélique à Nekemte.

« Les jeunes sont très tristes de ce qui arrive et sont en colère contre le gouvernement », déclare-t-il. « A cause de ça, certains d’entre eux rejoignent les rebelles ».

Aussi alarmante soit la situation à Nekemte, elle pourrait être encore bien pire dans les zones rurales situées plus à l’ouest, où le réseau téléphonique est coupé depuis des mois, souligne Asebe Regassa, enseignant à l’université de Wollega.

« Il y a des meurtres quotidiennement dans les zones rurales », affirme-t-il, ajoutant que les paysans craignent de procéder aux récoltes, de peur que les soldats ne les accusent de chercher à nourrir les rebelles.

Trump nomme un élu républicain contesté à la tête des services de renseignement

Donald Trump persiste et signe: vendredi, il a nommé un de ses fervents partisans, l’élu républicain John Ratcliffe, à la tête des services de renseignement américains, un peu plus de six mois après avoir été contraint de renoncer à lui confier ce poste délicat.

Le président a annoncé sur Twitter la nomination de cet élu de la Chambre des représentants, âgé de 54 ans, comme directeur du renseignement (DNI). « John est un homme exceptionnel de grand talent », a-t-il assuré.

La cheffe de l’opposition démocrate au Congrès Nancy Pelosi a dénoncé cette nomination arguant que le président américain était en train « d’ignorer des réserves sérieuses » et laissait « la politique et non pas le patriotrisme, guider la sécurité nationale (des Etats-Unis) ».

Donald Trump avait déjà fait part début août de son intention de le promouvoir à ce poste chargé de superviser et de coordonner les activités de la CIA, de la NSA et de 15 autres agences de renseignement.

Mais cet ancien maire d’une banlieue aisée de Dallas, et procureur fédéral pendant tout juste un an, en 2007, avait été critiqué notamment par l’opposition démocrate, en raison de son manque d’expérience et de son dévouement envers le président.

Il avait également été accusé d’avoir exagéré certains faits d’armes et, même dans les rangs républicains, l’enthousiasme était resté mesuré.

Le milliardaire républicain avait finalement renoncé à choisir M. Ratcliffe, dénonçant au passage « la manière très injuste » dont il avait été traité par les médias.

« La dernière fois que sa nomination a été envisagée, des questions sérieuses avaient été soulevées par les deux partis », a rappelé le sénateur démocrate Mark Wagner. « J’ai du mal à voir ce qui a changé depuis », a assené dans un communiqué l’élu, numéro deux de la commission sénatoriale du renseignement.

– Colère –

Suite à cet échec, Donald Trump avait chargé Joseph Maguire, alors chef de l’antiterrorisme, d’assurer l’intérim après le départ le 15 août du DNI Dan Coats avec lequel il avait fréquemment été en désaccord notamment sur la Russie ou la Corée du Nord.

M. Maguire était pressenti pour être confirmé à ce poste, mais un briefing au Congrès par ses services le 13 février a, selon les médias américains, déclenché la colère du président à son encontre.

Lors de cette réunion, une conseillère de M. Maguire aurait fait état devant des élus démocrates de nouvelles ingérences russes dans la campagne de 2020 destinées à favoriser la réélection de l’impétueux président.

Le 19 février, Donald Trump a annoncé qu’il remplaçait M. Maguire par Richard Grenell, l’actuel ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne.

Agé de 53 ans, ce fidèle soutien de Donald Trump avait fâché de nombreux responsables allemands par ses prises de position peu diplomatiques et son arrivée avait été perçue comme une reprise en main de la part des services de renseignement par la Maison Blanche.

– « Impartial » –

John Ratcliffe doit encore être confirmé par le Sénat, où les républicains sont majoritaires.

Le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer les a appelés à joindre leurs voix à celle de l’opposition pour rejeter sa candidature.

« A un moment où les Russes interviennent dans nos élections, nous avons besoin d’un leader impartial à la tête de la communauté du renseignement, qui voit le monde avec objectivité et dise la vérité au pouvoir. Malheureusement ni le directeur par intérim Grenell ni l’élu Ratcliffe ne s’en approchent », a-t-il écrit dans un communiqué.

Le chef républicain de la commission du renseignement de la chambre haute, Richard Burr est resté prudent. « Nous avons besoin d’un directeur national du renseignement permanent, et non intérimaire. J’attends de recevoir la nomination officielle de l’élu Ratcliffe pour l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat », a-t-il simplement commenté.