Mondial 2022 : ce que cachent les multiples reports des matches des éliminatoires zone Afrique

La Fifa et la Caf, sous prétexte de vouloir améliorer le protocole sanitaire lié au Covid-19 sur le continent, ont, pour une énième fois, reporté le début des qualifications du mondial qatari. La raison de ce report est cependant ailleurs : la Fifa, qui a acquis l’intégralité des droits Tv et marketing des fédérations africaines de football, n’a pas encore trouvé d’acheteur.

Les récents arrangements faits – sous l’égide de la Fifa – entre les différents candidats à la présidence de la Confédération africaine de football pour laisser passer la candidature unique du businessman sud-africain Patrice Motsepe ont laissé un arrière-goût d’ingérence et de subordination de la Caf à la Fifa ; avec au final l’impression que le continent africain est celui où tout le monde peut venir dicter sa volonté.

A peine sortie de la parodie de scrutin du 12 mars 2021 au Maroc, la Fifa vient une fois de plus de démontrer qu’elle a une mainmise totale sur le football africain. Selon les volontés de l’instance planétaire du football, la campagne africaine de qualification pour le Mondial 2022 ne débutera pas en juin, comme initialement prévue. « La Commission d’urgence de la Caf, en concertation avec la Fifa, a décidé de reporter les éliminatoires africaines de la Coupe du Monde », a en effet annoncé dans un communiqué l’organisation africaine la semaine dernière. Ajoutant au passage que les « éliminatoires se tiendront désormais durant les fenêtres internationales de septembre, octobre et novembre 2021, ainsi que de mars 2022 », sans plus de précisions sur le calendrier.

La décision prend en compte les « défis que représente la gestion de la pandémie du Covid-19, et le souci de garantir des conditions de jeu optimales », selon la Caf qui a dit « (réévaluer) ses protocoles (…) notamment les tests d’avant-match ». La pandémie du Covid-19 est désormais le paravent utilisé pour tout masquer.  Comment peut-on évoquer comme argument le protocole lié au Covid-19 pour justifier le report des matchs sur le continent le moins affecté ? L’Euro, la Copa América et les éliminatoires du Mondial 2022, zone Asie, vont se disputer courant juin 2021. Plusieurs sélections africaines vont profiter pour disputer les matchs amicaux sur le continent…

La réalité c’est que  la Fifa rétrocède à chaque fédération ses droits d’images et marketing  de ses matchs à domicile des éliminatoires de la Coupe du monde. A partir de l’édition de 2014 quand cette décision a été prise, la Caf a suggéré pour des raisons d’équité, parce qu’il y a des fédérations qui pourraient se faire largement de l’argent et d’autres pas du tout, qu’il y ait une centralisation des droits médias, notamment  les droits télé.

Les trois critères 

Le principe de la centralisation étant que chaque fédération abandonne ses droits médias à la Caf qui se chargerait de les commercialiser dans un package.  Une redistribution devant être faite par la suite suivant trois critères : d’abord, il y avait un minimum de base pour chaque fédération participant aux éliminatoires, puis une deuxième variable liée à la performance et une dernière variable était liée au marché de chaque fédération. C’est-à-dire qu’on avait attribué un coefficient à chaque pays en fonction de son niveau de développement économique, et surtout de l’état du marché des droits TV dans ce pays-là.

Ce sont ces trois paramètres-là qui étaient pris en compte. Cette centralisation a été faite lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2014, avec toutes les 54 fédérations membres de la Caf. Et l’expérience devait être renouvelée pour les éliminatoires du Mondial de 2018, à partir de 2015. Il y a des réticences qui se sont exprimées, notamment des grands pays qui considéraient que le montant qu’ils recevaient n’était pas suffisant et qu’ils auraient pu faire mieux en gérant eux-mêmes lesdits droits pour leurs matchs à domicile.

Ce fut le cas notamment de quatre pays qui ne souhaitaient pas la centralisation : l’Egypte, le Maroc, l’Algérie et l’Afrique du Sud. Cette dernière est finalement revenue sur sa décision.  Mais les trois autres sont restés campé sur leur position. Le minimum garanti c’était 24 millions de dollars globaux pour l’ensemble des 54 fédérations. Les droits télés étaient attribués à Befort-sport et Sport V (devenu entre-temps Lagardère) qui ont fait une soumission commune et ont atteint les objectifs, permettant d’ailleurs de faire quelques économies, puisqu’il y a une prime sur la performance. Mais deux pays qui étaient en dehors de la centralisation se sont qualifiés pour ce Mondial (Maroc et Egypte) et n’étaient pas éligibles à la clé des répartitions puisqu’ils ne sont pas entrés dans la centralisation dès l’entame.

A la suite de son élection en 2017, l’ancien président de la Caf Ahmad Ahmad avait indiqué que la centralisation n’était pas le rôle de la Confédération et qu’il fallait y mettre un terme. Or, ce système permettait aux petites nations de s’en tirer à bon compte. Il y avait en effet une sorte de péréquation mise en place pour satisfaire tout le monde. Lors de l’Assemblée extraordinaire de la Caf à Charm el-Cheikh en septembre  2018, et sur proposition du Comité exécutif, l’instance faitière du football continental confirme l’abandon de la centralisation. Les fédérations reprennent donc leurs droits médias et marketing et doivent les commercialiser eux-mêmes pour les matches à domicile des éliminatoires de la Coupe du monde Qatar 2022.

Injonction de la Fifa

Mais sans explication, au mois de novembre 2018, la Fifa, à travers une correspondance adressée à la Caf, fait son entrée en lice dans l’affaire. L’instance mondiale demande aux fédérations africaines de céder leurs droits à la Fifa afin qu’elle les centralise. Nombre d’entre elles cèdent et retournent à la case centralisation. D’autres émettent des réserves, parce que contrairement à ce qui se faisait avec la Caf, où chaque fois que la Caf ouvrait l’appel d’offres il y a un minimum garantie pour lesquelles il fallait s’engager, la Fifa n’a pas promis de minimum  garantie et elle ne s’est engagée sur rien du tout.

Elle a juste demandé à avoir le mandat pour aller négocier  les droits télés au nom des fédérations africaines. Ce qui est plus grave, c’est qu’avant, la Caf ne contrôlait que les droits télé, or la Fifa  a pris les droits  télé et marketing. Ce qui peut ouvrir des situations contentieuses pour beaucoup de fédérations. C’est-à-dire que les fédérations dans la plupart de leurs contrats de sponsoring garantissent à leurs sponsors qu’ils ont une certaine visibilité sur les matches de l’équipe à domicile.

Or, en cédant tous les droits  à la Fifa, on peut se retrouver dans des situations où les fédérations n’ont plus le droit d’afficher leur sponsor et donc de violer des contrats qui existent déjà ! La Fifa a récupéré ces droits-là en menaçant d’ailleurs certaines fédérations qui étaient réticentes à céder.

Des prétextes fallacieux

Ce qui n’est pas un engagement logique, parce qu’en 2018 avec moins de pays engagés dans la centralisation, on avait quand même réussi à avoir exactement le montant qui était prévu en minimum garanti avec tous les pays. C’est-à-dire que l’appel d’offres avait été passé pour 54 pays avec un minimum garanti de 24 millions de dollars, même quand trois pays se sont retirés, le minimum garanti a été maintenu et il a été atteint sans ces trois pays-là.

Pour 2022, la Fifa a décidé de faire la centralisation et depuis lors on n’a aucun communiqué de presse annonçant la signature du moindre contrat de retransmission des matches des éliminatoires de la Coupe du monde, zone Afrique. Les renvois successifs du début des qualifications, zone Afrique, sont essentiellement dus au fait que la Fifa n’a pas encore pu signer jusqu’ici des contrats de retransmission de droits télé. Dites-vous bien que ça fait plus d’un an que l’Afrique subit ces renvois sous des prétextes fallacieux, puisque dans le même temps, sous d’autres cieux, les matchs des éliminatoires du mondial qatari se jouent, bien que très souvent à huis clos.

Il faut peut-être préciser que lors de la phase préliminaire des éliminatoires, zone Afrique, pour laquelle la centralisation n’était pas prise en compte, les pays gardaient leurs droits et la Fifa qui détenait déjà les droits à choisi de faire les diffusions sur ses plateformes numériques.