Comment le coronavirus se propage aux multinationales

Importatrice vorace de matières premières, usine du monde, grande consommatrice de luxe et de voyages…. La Chine est incontournable d’un bout à l’autre des chaînes de production des multinationales, désormais bouleversées par l’épidémie de coronavirus.

Ogre des matières premières

Une chute de 0,3 point de croissance cette année de la deuxième économie mondiale aurait un impact presque identique (-0,2 point) sur l’ensemble de la croissance mondiale, a indiqué Deutsche Bank. Autant dire que les pays exportateurs de matières premières seraient directement touchés par le ralentissement de l’activité du géant asiatique. Selon l’assureur-crédit Coface, le géant asiatique absorbe près de 14% de la production mondiale de pétrole. L’action du géant pétrolier saoudien Aramco a d’ailleurs perdu la plupart des gains réalisés depuis son introduction à la Bourse de Ryad en décembre.

La Chine engloutit aussi près de 40% de la production mondiale de métaux. Avec des usines chinoises au ralenti, les multinationales minières sont forcément exposées: l’australien BHP, plus grand producteur mondial de minerais, a prévenu que la demande de matières premières qu’il produit pourrait être affectée, à moins que l’épidémie ne soit contenue d’ici à fin mars. Certains pays, à l’image du Chili, qui extrait presque un tiers du cuivre mondial, sont exposés. Des répercussions sont aussi à craindre pour les produits agroalimentaires, ainsi le soja, dont le Brésil est premier producteur mondial.

Usine du monde

Depuis une trentaine d’années, la Chine est devenue l’usine du monde. Elle est incontournable pour la production de téléphones portables, d’écrans plats, d’ordinateurs, de pièces détachées pour les voitures et de nombreux autres objets. L’agence Fitch a revu à la baisse sa notation de « tous les fabricants de composants électroniques », directement touchés par la fermeture de nombreuses usines en Chine. Apple a fait état de difficultés d’approvisionnement en iPhones, fabriqués en Chine.

Le groupe français d’équipement et services énergétiques Schneider Electric, dont l’usine de Wuhan n’a toujours pas redémarré, a estimé à 300 millions d’euros les pertes attendues au premier trimestre.

Le géant danois du transport maritime AP Moeller—Maersk s’attend à un début d’année « faible » du fait d’une fermeture plus longue que d’habitude des usines en Chine.

Du côté de l’automobile, Fiat Chrysler a annoncé l’arrêt provisoire de son usine de Kragujevac en Serbie « à cause d’un manque de disponibilité de certains composants en provenance de Chine ». Le japonais Toyota et l’allemand Volkswagen ont dû interrompre la production dans leurs usines d’assemblage. Le sud-coréen Hyundai a, lui aussi, dû interrompre sa production.

L’épidémie provoquée par le coronavirus peut aussi entraîner des problèmes d’approvisionnement de médicaments en Europe car une « grande partie » des « principes actifs pharmaceutiques » est fabriquée en Asie, a prévenu l’Académie française de pharmacie.

Consommatrice avide

Au fil des années, avec l’émergence d’une classe moyenne, la Chine passe progressivement d’une économie de production à celle de consommation. Ce marché de plus d’un milliard d’habitants est devenu incontournable. Apple, déjà perturbé par l’épidémie au niveau de ses approvisionnements, souffre aussi en bout de chaîne puisque la demande pour ses produits, dont les Chinois sont friands, baisse.

Des chaînes comme Starbucks, pour qui la Chine est le second marché mondial, y ont fermé de nombreux points de vente. L’équipementier sportif Adidas a vu ses activités en Chine reculer de 85% sur un an depuis la fin janvier.

L’industrie du luxe est secouée. Kering (Gucci, Yves Saint Laurent, etc) a enregistré une forte baisse de ses ventes en Chine continentale et la maison d’habillement Burberry a averti d’un « impact négatif important ».

Le secteur du tourisme est directement concerné par la mise en quarantaine de douzaines de villes chinoises et l’interdiction des voyages organisés de Chinois vers l’étranger. Selon les chiffres de la Coface, les touristes chinois dépensent chaque année 130 milliards de dollars dans le monde.

Le trafic aérien a également subi les effets de l’épidémie. Plusieurs compagnies aériennes, dont Air France, British Airways, Air Canada, Lufthansa ou Delta, ont suspendu leurs vols vers la Chine continentale. Air France-KLM a d’ailleurs estimé jeudi entre 150 et 200 millions d’euros le manque à gagner dû à la suspension des vols du groupe vers la Chine de février à avril.

Dans le secteur du tourisme, le groupe hôtelier Accor a indiqué avoir fermé 200 hôtels sur les 370 que compte son réseau en Chine et à Hong Kong.

JO Tokyo 2020 : le gabonais Jean-Claude Djimbi sollicite l’appui du gouvernement

L’arbitre international de judo, Me Jean-Claude Djimbi a désormais besoin du soutien de son pays par l’entremise du ministère des Sports.

Désormais à trois places de la qualification devant lui permettre d’officier en tant qu’arbitre aux jeux olympiques de Tokyo 2020. « Le ministre des Sports était à Paris pour encourager les judokas gabonais présents au Grand Slam de Paris. Il a eu le privilège de voir officier. Pour ma part, je pense qu’il a bien compris que seul un accompagnement des sportifs et aussi de l’arbitre que je suis, peut nous permettre de valablement représenter notre pays à Tokyo », a déclaré Mr Djimbi.

L’arbitre international gabonais  sollicite la mobilisation des siens pour lui permettre de gravir les trois dernières marches qui lui permettront de passer de la 19e place au Top 16 des arbitres habiletés à officier à Tokyo.

Un chalenge de taille pour Jean-Claude Djimbi qui a déjà fait ses preuves, lors du dernier Grand Slam de Paris en France où il a été le seul arbitre africain.

Pour rappel, les jeux olympiques d’été 2020 auront lieu à Tokyo 2020 du 24 juillet au 9 aout. Cette année, ce sont 33 disciplines sportives qui vont être représentées.

Jean Daniel, grand journaliste et grande conscience de gauche

Grande conscience de gauche, Jean Daniel a vécu en osmose avec Le Nouvel Observateur, qu’il a fondé en 1964 avec Claude Perdriel et qu’il a longtemps dirigé, exemple rare de longévité dans la presse française.

Jusqu’à un âge très avancé, cette plume redoutée et brillante aura signé l’éditorial de l’hebdomadaire, rebaptisé L’Obs en 2014 et alors cédé au groupe Le Monde. Avec son profil d’aigle, il n’avait rien perdu de sa belle allure même si sa figure de « commandeur » et son narcissisme ont pu parfois agacer.

Jean Daniel, que l’historien Pierre Nora a qualifié de « dernière figure du journalisme inspiré », a rencontré tous les grands de ce monde.

En 1963, c’est en plein déjeuner, à Cuba, avec Fidel Castro qu’il apprend la mort de John F. Kennedy, avec lequel il vient d’avoir un entretien. « Kennedy était un ennemi auquel on s’était habitué. C’est une affaire très grave », lui dit le « Lider maximo ».

Il a été l’ami de Pierre Mendès-France, Michel Foucault, François Mitterrand, avec lequel il eut, comme tant d’autres, des relations compliquées, ou Albert Camus, en dépit de leur désaccord sur le dossier algérien.

Également écrivain et essayiste, il a signé une trentaine de livres, depuis « L’erreur », roman paru en 1952 salué par Camus, à « Mitterrand l’insaisissable » en 2016. Ses « Œuvres autobiographiques » (cinq ouvrages) ont été rassemblées en 2002 en un seul volume de 1.700 pages.

– Blessé à Bizerte –

L’Algérie, où il naît le 21 juillet 1920 à Blida, le marque pour la vie.

Élevé dans une famille algérienne de confession juive, Jean-Daniel Bensaïd, nom qu’il abandonne après-guerre pour écrire dans Combat sous le pseudonyme de Jean Daniel, est le dernier de onze enfants. Son père sera une figure adorée, s’émerveillant « chaque jour d’être Français ».

Après avoir combattu dans les rangs de la division Leclerc, il étudie après-guerre la philosophie à la Sorbonne puis entre en 1946 au cabinet de Félix Gouin, président du Gouvernement provisoire. Se situant déjà dans le courant de la gauche non communiste, il fonde, en 1947, Caliban, une revue culturelle.

Au milieu des années 50, Jean-Jacques Servan-Schreiber l’engage à L’Express où il couvre les « événements » d’Algérie. Il y reste huit ans, en devient le rédacteur en chef. Menacé de mort, inculpé pour atteinte à la sûreté de l’état, il défend l’indépendance algérienne.

En 1961, envoyé spécial en Tunisie, il est sérieusement blessé à Bizerte par des tirs de l’armée française.

Après un bref passage au Monde, ce journaliste, déjà auréolé d’une réputation dépassant les frontières françaises, co-fonde en 1964 Le Nouvel Observateur. Commence la grande aventure de sa vie.

« Jamais, nous n’avions pensé que nous réussirions. La formule choisie était assez culturelle, assez intellectuelle pour ne pas dépasser les 40-60.000 exemplaires dans le meilleur des cas », dit-il à l’AFP en 2004. En 1974, il tire déjà à 400.000 exemplaires !

Le tandem qui dirige le titre fait merveille : à Claude Perdriel, la gestion, à Jean Daniel, la rédaction. « Nous avons réussi, confiait ce dernier, à un moment, à réunir autour de nous les plus brillants journalistes d’Europe ».

Les deux hommes sont inséparables, passent leurs vacances ensemble, avant que les liens ne se distendent. Jean Daniel devait épouser Michèle Bancilhon, première femme de Claude Perdriel. Le couple aura une fille, Sara Daniel, future journaliste au Nouvel Observateur.

– « Pessimiste émerveillé » –

Participant à tous les grands débats de l’époque, le magazine défend l’anticolonialisme, publie en une le manifeste des « 343 salopes » pour l’avortement, soutient Mendès-France, Rocard puis Mitterrand, polémique avec le Parti communiste.

Sur le Proche-Orient, malgré son « attachement indéfectible à Israël », Jean Daniel qui, selon lui, refusa trois fois un poste d’ambassadeur proposé par le président Mitterrand, considérait que « les Palestiniens avaient droit à un État ».

Après les révélations d’Alexandre Soljenitsyne sur l’existence des Goulags en URSS, il écrit : « nous ne laisserons jamais à la droite le confortable et unique monopole de la contestation contre les démences des bureaucrates totalitaires ».

En guise de bilan professionnel et intellectuel, Jean Daniel, qui fut membre du conseil supérieur de l’Agence France-Presse, se félicitait d’avoir « entrepris de +dé-marxiser+ la gauche avec des principes de gauche ».

En 2016, ce « pessimiste émerveillé », selon ses mots, assurait : « pour moi, le repos c’est la mort ». Il avait alors 96 ans…

Après un an d’existence, le Hirak algérien s’interroge sur son avenir

Après avoir échoué à empêcher en décembre l’élection d’un successeur au président déchu Abdelaziz Bouteflika, le mouvement de contestation en Algérie, le « Hirak », s’interroge sur son avenir, confronté aux risques d’essoufflement face à un régime qui semble avoir repris la main.

Informel, non structuré, agrégeant autour de deux mots d’ordre essentiels –« Silmyia » (pacifique) et « Qu’ils partent tous! »– un éventail d’opinions disparates, voire de fractures idéologiques, le « Hirak » entre dans sa 2e année avec de nombreuses questions auxquelles il doit répondre rapidement.

Le mouvement est jeune, « tout s’y fait dans la spontanéité, la découverte, l’expérimentation mais aussi dans les clivages », explique à l’AFP Karima Dirèche, historienne spécialiste du Maghreb contemporain. « Il faut apprendre à écouter l’autre, à accepter qu’il soit d’un avis différent, apprendre à négocier des consensus. On n’y est pas encore ».

L’élection en décembre d’un nouveau chef de l’Etat, Abdelamdjid Tebboune, ancien cadre de la présidence Bouteflika et pur produit du « système », paraît avoir enterré la principale revendication du « Hirak »: la fin du régime au pouvoir depuis l’indépendance en 1962 et une « transition » vers des institutions nouvelles.

« La transition politique, on n’y est pas; on est en train d’y réfléchir » au sein de la contestation, assure Mme Dirèche, directrice de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS, France).

Actuellement, « on est dans quelque chose de très bizarre: la mobilisation est toujours là (…), mais on voit bien qu’il y a une vraie difficulté à passer à autre chose » que ces rassemblements hebdomadaires, relève-t-elle.

– Importantes décisions –

Le « Hirak » doit-il négocier avec un président qui a dit « lui tendre la main »? Doit-il se structurer et désigner des représentants? Doit-il envisager d’autres modes d’action?

« Le mouvement a d’importantes décisions à prendre », confirme Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center de Beyrouth (Liban).

Ses militants ne sont unanimement d’accord que sur les deux principaux mots d’ordre, mais « pas sur les modalités (d’action) ni sur l’institutionnalisation (du mouvement), ni sur le leadership », note la chercheuse.

L’absence de chefs a beaucoup servi la contestation, jusque-là: « Puisqu’ils n’existaient pas, ils n’ont pas pu être incarcérés ni harcelés ou cooptés », comme le faisait le régime pour taire les oppositions, poursuit-elle. Mais cette absence de figures dirigeantes identifiées entrave la capacité du mouvement à négocier avec le pouvoir.

En Algérie, faute de véritables partis d’opposition, de syndicats et de médias indépendants, « les forces d’opposition et de contestation qui auraient pu prendre le relais » n’existent pas, souligne Karima Dirèche.

– Penser à « l’après » –

Pour Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à Paris-I et spécialiste du Maghreb, « la seule option pacifique » pour la contestation « est de reconstruire des organisations politiques ou des associations civiles afin de préparer les élections locales et nationales » et avoir des élus capables de « relayer la parole du +Hirak+ dans les institutions ».

« Le problème est que, malgré leur goût de la chose politique, les Algériens ont une confiance très limitée dans les institutions existantes », constate-t-il.

Le mouvement commence néanmoins à se structurer au niveau local.

En face, le pouvoir est en pleine « régénération », avec un président à nouveau « façade civile d’un régime qui reste aux mains de l’institution militaire », analyse Dalia Ghanem.

Un pouvoir tenté de jouer le pourrissement alors que le « Hirak » n’a plus obtenu gain de cause depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril et le report d’une première tentative de scrutin présidentiel en juillet.

« Les dirigeants (algériens) savent très bien faire ça », observe Mme Dirèche.

En outre, « chaque mouvement social est par définition victime du temps et ne peut continuer éternellement », selon Dalia Ghanem: dès lors, « comment convaincre les gens de continuer à descendre dans la rue chaque vendredi? ».

Il faut donc penser à « l’après ».

Mais, traumatisés par des années de violence politique, les Algériens renâclent à d’autres modes d’actions, comme la grève générale ou la désobéissance civile. Chez les Algériens, « on réfléchit à deux fois avant la confrontation », note Karima Dirèche.

L’historienne ne croit pas à l’essouflement des marches: « Ce mode opératoire permet d’économiser ses forces ». Les défilés sont un moyen de « s’initier à la politique, chose interdite jusqu’à présent et absente des réseaux classiques, à l’école ou à l’université, dans les partis ».

« Les choses sont en train de s’apprendre, s’expérimenter, et bien évidemment tout cela va produire quelque chose. Mais quoi? Comment? Quand? Difficile à dire ».

Pour Akram Belkaïd, journaliste et essayiste algérien, « il faut s’inscrire dans le temps long ».

« Il y a des demandes, des exigences du peuple. Le +Hirak+ est un aiguillon. Il rappelle sans cesse que rien ne va. Tôt ou tard, le régime devra en tenir compte ».

Les fouilles de fosses communes, un enjeu très politique au Burundi

Chargée des fouilles qui ont déjà permis de retrouver les ossements de plus de 6.000 victimes des massacres interethniques de 1972 au Burundi, la Commission vérité et réconciliation (CVR) est accusée de s’immiscer par ce biais dans la campagne pour l’élection présidentielle de mai.

L’excavation fin janvier et début février de six fosses communes situées au bord de la rivière Ruvubu, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Gitega (centre), la nouvelle capitale administrative du pays, a permis d’exhumer les ossements de 6.032 victimes, selon la CVR.

Mais la Ruvubu est loin d’avoir livré tous ses secrets. Une seconde phase de fouilles, qui devrait durer au moins deux semaines, a commencé lundi sur le même site, a indiqué à l’AFP le président de la CVR, Pierre-Claver Ndayicariye.

« Il y a deux (autres) fosses communes confirmées, et nous en avons dix renseignées mais pas encore vérifiées », a-t-il précisé, ajoutant que « des témoins parlent d’autres fosses communes plus loin dans des champs de maïs ».

A sa création en 2014, la commission avait été mise en place pour établir la vérité sur les massacres interethniques ayant frappé le Burundi depuis son indépendance en 1962 jusqu’au 4 décembre 2008, date supposée de la fin de la violence armée dans le pays.

Le Burundi a connu une série de massacres interethniques, qui ont culminé en 1972, et de coups d’Etat, prémices à une longue guerre civile (1993-2006) ayant opposé des rebelles hutu à l’armée, dominée par la minorité tutsi, et fait plus de 300.000 morts.

En janvier, la CVR avait annoncé avoir identifié 142.505 personnes tuées ou portées disparues dans les différentes tragédies qui ont endeuillé le Burundi depuis 1962, et recensé à ce jour plus de 4.000 fosses communes de différentes tailles à travers tout le pays.

– « Enquête approfondie » –

D’après les témoignages recueillis par la commission, les victimes de la Ruvubu « étaient acheminées de la prison de Gitega par camion chaque nuit en mai et juin 1972 », ainsi que des communes environnantes.

Des témoins ont affirmé à l’AFP qu’il s’agissait de membres de l’élite hutu, victimes de la terrible répression menée par le pouvoir tutsi de l’époque, qui a fait entre 100.000 et 300.000 morts selon des associations militant pour la reconnaissance du « génocide hutu de 1972 ».

Mais « ce n’est pas à la CVR de vous dire à ce stade si les victimes sont des Hutu ou des Tutsi, ce sont des Burundais en premier lieu », a affirmé M. Ndayicariye, ajoutant qu’elle doit d’abord mener « une enquête approfondie » pour identifier les victimes et les responsables.

Derrière cette apparente prudence verbale, ce dernier est cependant accusé de manier un double langage par l’opposition et la société civile, qui reprochent à la CVR d’être instrumentalisée par le pouvoir actuel à l’approche de l’élection présidentielle.

« La CVR cible volontairement des fosses communes qu’elle déclare être celles de victimes hutu, alors que tout le monde sait qu’il y a eu une hécatombe de Tutsi en 1993 dans la province de Karusi », proche du lieu des fouilles actuelles, dénonce Emmanuel Nkurunziza, président de la section canadienne de l’organisation AC-génocide Cirimoso.

« La CVR participe ainsi à la campagne électorale du pouvoir CNDD-FDD qui a toujours caressé la fibre ethnique pour rallier à sa cause la majorité hutu », ajoute cet activiste exilé au Canada.

– « Aucune crédibilité » –

Le CNDD-FDD, parti du président burundais Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005 et qui ne se représentera pas en mai, est issu de l’ancienne principale rébellion hutu lors de la guerre civile. Les Hutu représentent 85% de la population du Burundi, contre 14% pour les Tutsi.

Vital Nshimirimana, l’une des figures de la société civile burundaise qui a fui en exil, dénonce « un travail d’exhumation sommaire, des conclusions hâtives sur les victimes et les auteurs sans aucune enquête approfondie ».

Lui aussi estime que la CVR, au service du pouvoir, essaie de « manipuler la vérité (…) pour pouvoir reconnaître officiellement qu’il y a eu un génocide de Hutu en 1972 ».

La CVR est constituée presque exclusivement de membres du CNDD-FDD. Et M. Ndayicariye est l’ancien président de la commission électorale lors des élections controversées de 2010 et 2015.

La présidentielle de 2010 avait été boycottée par l’opposition et la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat controversé en avril 2015, puis sa réélection en juillet de la même année, ont plongé le Burundi dans une crise politique majeure, accompagnée de violences ayant fait au moins 1.200 morts.

« La CVR actuelle ne jouit d’aucune crédibilité ni d’aucune indépendance, parce qu’elle est constituée de militants très zélés » du CNDD-FDD, estime Chauvineau Mugwengezo, le président exilé en Belgique de la CFOR-Arusha, un collectif de partis d’opposition.

La commission, abonde-t-il, « est instrumentalisée pour des raisons électoralistes au risque de raviver la haine ethnique au Burundi ».

Après 20 ans au pouvoir, Poutine incontournable sur les stands touristiques

Après vingt années de pouvoir, des stands de souvenirs russes aux librairies, des matriochkas aux chocolats, le visage de Vladimir Poutine est omniprésent.

Même si les ventes ne sont pas nécessairement colossales, son profil est devenu un élément incontournable du folklore russe proposés aux touristes russes et étrangers. Particulièrement à Saint-Pétersbourg sa ville natale.

En chef de guerre, caressant des animaux sauvages ou chevauchant un ours, Vladimir Poutine s’affiche sur à peu près tout support pouvant être vendu.

Artiste peintre et homme d’affaires, Alexeï Serguienko ne fait pas exception: dans chacun de ses 64 kiosques à souvenirs, situés autour de la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé, on retrouve alignées des poupées gigognes à l’effigie du président.

« Le volume des ventes des souvenirs avec Poutine ne représente que 3-4% (du total), mais c’est stable », souligne M. Serguienko, un fan de l’homme fort de la Russie qui lui a consacré une exposition en 2012, intitulée « Président. Un homme à l’âme bonne ».

On y voyait un Poutine « pop art », portant un enfant sur ses épaules sur fond de soleil flamboyant, ou arrêtant une météorite en costume de super-héros hollywoodien, des tableaux qui jouaient sur l’imagerie du « sauveur de la Nation » régulièrement mise en avant par les autorités.

-‘On s’y est habitués’ –

Aujourd’hui encore, des tablettes de chocolat emballées dans du papier représentant ces oeuvres d’Alexeï Serguienko sont vendues 150 roubles (deux euros) dans des boutiques de Saint-Pétersbourg.

Au Dom Knigi (Maison des livres), la plus grande librairie de Saint-Pétersbourg sur la prestigieuse perspective Nevski, les représentations de Poutine sont aussi inévitables.

Du simple aimant vendu une centaine de roubles au mug à 600 roubles (8,5 euros), « ça fait partie de la gamme des souvenirs, on s’y est habitués », constate Natalia, une vendeuse.

Directeur de la société « Che Guevara », spécialisée dans la vente en ligne de souvenirs à forte consonance politique, Alexeï Ivanov explique que Poutine est désormais identifié aux Russes.

« Le principal, c’est (sa) popularité, le fait qu’il soit très reconnaissable et la relation +spéciale+ (des Russes) avec cet homme », dit-il.

Car malgré une récente baisse de popularité due à la stagnation économique et une douloureuse réforme des retraites, pour la majorité des Russes, il reste, 20 ans après son arrivée au pouvoir, celui qui a sorti le pays du chaos post-soviétique, même si ce fut aux prix de libertés publiques et politiques.

Vladimir Poutine est aussi crédité pour avoir réimposé la puissance russe sur la scène internationale, avec notamment la populaire annexion de la Crimée ukrainienne en 2014.

C’est peu après ce tour de force, qu’Alexandre Savenkov, agent immobilier à Saint-Pétersbourg, a acheté son t-shirt noir à l’effigie du président.

« Je le mets de temps en temps, surtout lorsque je suis en vacances à l’étranger », s’amuse le quadragénaire.

« Poutine est un leader fort, je le respecte pour cela », poursuit-il.

-« Jusqu’à la fin de ma vie »-

Pour Andreï Stepanov, un ingénieur péterbourgois de 60 ans, tout ça c’est trop.

« J’ai déjà l’impression d’habiter en Corée du Nord, le Grand Poutine est partout: à la télé, aux journaux, ses portraits sont dans tous les établissements officiels et même sur les souvenirs, c’est trop », regrette-t-il.

Le Kremlin dit aussi trouver qu’il y a des excès. Son porte-parole, Dmitri Peskov a ainsi jugé « inappropriée » la récente mise en vente à l’aéroport de Saint-Pétersbourg d’imitations d’icônes orthodoxes représentant Vladimir Poutine.

« Nous ne l’approuvons pas. Le président lui-même ne l’approuve pas, on peut difficilement appeler ça des icônes », a-t-il déclaré en réponse à une question de l’AFP.

La présidence russe a néanmoins mis en ligne un site entier de photos et vidéos souvenirs retraçant les 20 années au pouvoir de M. Poutine: en compagnie d’homologues, à la pêche, avec un bébé tigre, l’arme à la main, au volant d’une voiture de course ou commandant des unités militaires.

Les bibelots estampillés Poutine risquent en tout cas de rester incontournables longtemps, regrette Sergueï, qui en vend dans le centre-ville de Saint-Pétersbourg.

« Je me demande si je continuerai à les vendre jusqu’à la fin de ma vie et j’ai peur que la réponse soit positive! », dit le jeune homme d’une trentaine d’années.

Après un an d’existence, le Hirak algérien s’interroge sur son avenir

Après avoir échoué à empêcher en décembre l’élection d’un successeur au président déchu Abdelaziz Bouteflika, le mouvement de contestation en Algérie, le « Hirak », s’interroge sur son avenir, confronté aux risques d’essoufflement face à un régime qui semble avoir repris la main.

Informel, non structuré, agrégeant autour de deux mots d’ordre essentiels –« Silmyia » (pacifique) et « Qu’ils partent tous! »– un éventail d’opinions disparates, voire de fractures idéologiques, le « Hirak » entre dans sa 2e année avec de nombreuses questions auxquelles il doit répondre rapidement.

Le mouvement est jeune, « tout s’y fait dans la spontanéité, la découverte, l’expérimentation mais aussi dans les clivages », explique à l’AFP Karima Dirèche, historienne spécialiste du Maghreb contemporain. « Il faut apprendre à écouter l’autre, à accepter qu’il soit d’un avis différent, apprendre à négocier des consensus. On n’y est pas encore ».

L’élection en décembre d’un nouveau chef de l’Etat, Abdelamdjid Tebboune, ancien cadre de la présidence Bouteflika et pur produit du « système », paraît avoir enterré la principale revendication du « Hirak »: la fin du régime au pouvoir depuis l’indépendance en 1962 et une « transition » vers des institutions nouvelles.

« La transition politique, on n’y est pas; on est en train d’y réfléchir » au sein de la contestation, assure Mme Dirèche, directrice de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS, France).

Actuellement, « on est dans quelque chose de très bizarre: la mobilisation est toujours là (…), mais on voit bien qu’il y a une vraie difficulté à passer à autre chose » que ces rassemblements hebdomadaires, relève-t-elle.

– Importantes décisions –

Le « Hirak » doit-il négocier avec un président qui a dit « lui tendre la main »? Doit-il se structurer et désigner des représentants? Doit-il envisager d’autres modes d’action?

« Le mouvement a d’importantes décisions à prendre », confirme Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center de Beyrouth (Liban).

Ses militants ne sont unanimement d’accord que sur les deux principaux mots d’ordre, mais « pas sur les modalités (d’action) ni sur l’institutionnalisation (du mouvement), ni sur le leadership », note la chercheuse.

L’absence de chefs a beaucoup servi la contestation, jusque-là: « Puisqu’ils n’existaient pas, ils n’ont pas pu être incarcérés ni harcelés ou cooptés », comme le faisait le régime pour taire les oppositions, poursuit-elle. Mais cette absence de figures dirigeantes identifiées entrave la capacité du mouvement à négocier avec le pouvoir.

En Algérie, faute de véritables partis d’opposition, de syndicats et de médias indépendants, « les forces d’opposition et de contestation qui auraient pu prendre le relais » n’existent pas, souligne Karima Dirèche.

– Penser à « l’après » –

Pour Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à Paris-I et spécialiste du Maghreb, « la seule option pacifique » pour la contestation « est de reconstruire des organisations politiques ou des associations civiles afin de préparer les élections locales et nationales » et avoir des élus capables de « relayer la parole du +Hirak+ dans les institutions ».

« Le problème est que, malgré leur goût de la chose politique, les Algériens ont une confiance très limitée dans les institutions existantes », constate-t-il.

Le mouvement commence néanmoins à se structurer au niveau local.

En face, le pouvoir est en pleine « régénération », avec un président à nouveau « façade civile d’un régime qui reste aux mains de l’institution militaire », analyse Dalia Ghanem.

Un pouvoir tenté de jouer le pourrissement alors que le « Hirak » n’a plus obtenu gain de cause depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril et le report d’une première tentative de scrutin présidentiel en juillet.

« Les dirigeants (algériens) savent très bien faire ça », observe Mme Dirèche.

En outre, « chaque mouvement social est par définition victime du temps et ne peut continuer éternellement », selon Dalia Ghanem: dès lors, « comment convaincre les gens de continuer à descendre dans la rue chaque vendredi? ».

Il faut donc penser à « l’après ».

Mais, traumatisés par des années de violence politique, les Algériens renâclent à d’autres modes d’actions, comme la grève générale ou la désobéissance civile. Chez les Algériens, « on réfléchit à deux fois avant la confrontation », note Karima Dirèche.

L’historienne ne croit pas à l’essouflement des marches: « Ce mode opératoire permet d’économiser ses forces ». Les défilés sont un moyen de « s’initier à la politique, chose interdite jusqu’à présent et absente des réseaux classiques, à l’école ou à l’université, dans les partis ».

« Les choses sont en train de s’apprendre, s’expérimenter, et bien évidemment tout cela va produire quelque chose. Mais quoi? Comment? Quand? Difficile à dire ».

Pour Akram Belkaïd, journaliste et essayiste algérien, « il faut s’inscrire dans le temps long ».

« Il y a des demandes, des exigences du peuple. Le +Hirak+ est un aiguillon. Il rappelle sans cesse que rien ne va. Tôt ou tard, le régime devra en tenir compte ».

Présidentielle au Togo: Jean-Pierre Fabre et Agbéyomé Kodjo, deux candidats d’une opposition divisée

Face au président sortant Faure Gnassingbé, dont la victoire pour un quatrième mandat samedi ne laisse guère de suspens, Jean-Pierre Fabre, candidat historique de l’opposition togolaise devra affronter un autre adversaire, l’ancien premier ministre Agbéyomé Kodjo, qui s’est révélé lors de cette campagne être un outsider crédible.

– Jean-Pierre Fabre –

Surnommé « le marcheur », Jean-Pierre Fabre a parcouru des kilomètres inlassablement, des années durant, pour manifester contre le président Faure Gnassingbé, dont la famille est au pouvoir depuis plus de 50 ans. Mais à 67 ans, le candidat historique de l’opposition peine désormais à rassembler et à se faire entendre.

Le chef de file de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) n’a guère de chance d’être élu face à un appareil d’Etat qui contrôle tous les rouages du pouvoir, mais son défi sera surtout de remporter plus de suffrages qu’en 2010 et 2015 (respectivement près de 34% et 35% des voix) et d’être le premier candidat de l’opposition.

Economiste de formation à la stature imposante, marié et père de trois enfants, M. Fabre s’est engagé en tant que défenseur des droits humains sous l’ère du général Gnassingbé Eyadéma, le père de l’actuel président, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 38 ans jusqu’à sa mort en 2005.

En 1992, il rejoint Gilchrist Olympio, l’éternel opposant du vieux général Eyadéma et l’Union des forces de changement (UFC), dont il prend les rênes, avant de claquer la porte en 2010 et de fonder l’ANC.

Récemment élu maire d’une commune implantée au coeur de la capitale Lomé, il garde un fort soutien populaire dans le sud du pays dont il est originaire.

Sa « force », sa « détermination », mots qui reviennent sans cesse dans sa campagne, mais aussi l’énergie et le travail qu’il a déployés depuis ses débuts en politique forcent le respect, même au sein de ses détracteurs.

Toutefois, beaucoup lui reprochent de ne pas avoir su tirer partie des manifestations massives de 2017 et 2018, où des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour demander la démission de Faure Gnassingbé.

La C14, coalition des partis de l’opposition, fondée alors avec Tikpi Atchadam du Parti national panafricain (PNP), n’a pas survécu aux querelles intestines.

Après deux années de manifestations qui ont fait une vingtaine de morts et des dizaines d’arrestation, le pouvoir a finalement validé la réforme constitutionnelle permettant au chef de l’Etat de se représenter à un quatrième mandat en 2020, mais aussi à se représenter en 2025.

Face à cet échec, M. Atchadam s’est résolu au silence et à l’exil, et de nombreux partis ont quitté la coalition.

« Fabre pourrait déclencher l’alternance au Togo, s’il arrivait à tendre une main fraternelle à ses collègues de l’opposition, mais son caractère ne permet pas aux autres de l’approcher », assure l’un de ses rivaux. « Il a toujours pensé qu’il pouvait renverser seul le régime ».

– Agbéyomé Kodjo –

Ancien Premier ministre sous le règne du général Eyadéma, dont il était considéré comme « l’enfant chéri », Messan Agbéyomé Kodjo est cette année l’un des six candidats de l’opposition et a crée la surprise durant cette campagne.

Enregistrant un score insignifiant à la présidentielle de 2010 (0,9% des voix), Kodjo a fortement gagné en popularité ces deux derniers mois, grâce au soutien de Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, archevêque émérite de Lomé, voix importante de la société civile togolaise qui n’a pas hésité à le désigner comme « le choix de Dieu ».

Quatre partis politiques membres de l’ancienne C14, dont la formation politique de la coordinatrice de cette coalition, Brigitte Adjamagbo-Johnson, l’ont également rejoint.

Ses proches louent la « rigueur » et le « pragmatisme » de l’homme politique qui a été président de l’Assemblée nationale (1999-2000) et a occupé plusieurs portefeuilles ministériels dans des gouvernements de Gnassingbé Eyadéma, avant d’être limogé en 2002, contraint à l’exil, puis incarcéré pendant quelques mois à son retour au Togo.

L’opposant a animé avec détermination le Collectif Sauvons le Togo (CST), un regroupement de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, mais ses adversaires voient dans sa candidature une « stratégie » servant les intérêts du pouvoir.

« Avec une telle opération, il sera plus facile de dire que l’opposition a perdu parce qu’elle a éparpillé ses voix », selon Messan Lawson, opposant et éditorialiste togolais.

Faure Gnassingbé, l’héritier discret qui s’est imposé à la tête du Togo

Héritier d’une dynastie à la tête du Togo depuis plus d’un demi-siècle, Faure Gnassingbé s’est affirmé comme un président implacable avec ses adversaires, si bien qu’il est pratiquement sûr de décrocher samedi un quatrième mandat.

« Bébé Gnass », comme le surnommaient avec une certaine condescendance ses adversaires politiques, a longtemps été en quête de légitimité vis-à-vis de son père, le général Gnassingbé Eyadéma – « le vieux » – qui a dirigé le Togo d’une main de fer pendant 38 ans jusqu’à sa mort, et à qui il a succédé en 2005.

La première élection de Faure Gnassingbé, vivement contestée par l’opposition, a été remportée au terme d’un scrutin marqué par des violences ayant fait 400 à 500 morts, selon l’ONU.

Mais, cette année, la campagne électorale est placée sous le thème de la réconciliation: il doit regagner le soutien historique dont bénéficiait la famille dans le nord du pays, et qui s’est effrité depuis les manifestations massives de 2017 et 2018 et la forte répression qui s’en est suivie.

A 53 ans, le chef de l’Etat s’est cette fois adonné aux bains de foule, dont il n’a jamais été très coutumier.

« Tout le monde est surpris de le voir depuis le début de la campagne faire des accolades à des gens », commente Komandega Taama, un député de l’opposition et ancien candidat à la présidentielle de 2015.

– Mystérieux et discret –

Chemise ouverte et costume taillé sur mesure, le président-candidat s’est laissé étreindre par des partisans surexcités lors de ses meetings et, large sourire aux lèvres, a serré beaucoup de mains.

Toutefois, sa grande réserve était encore palpable dans ses discours et sa voix était basse pour reprendre le slogan de sa campagne, « Premier KO ».

Car si l’exercice est bien rôdé après trois élections présidentielles au compteur et quinze années à la tête du petit pays d’Afrique de l’Ouest, le chef de l’Etat reste un personnage mystérieux, qui n’a jamais accordé une interview à la presse locale.

« Il est très méfiant, il parle peu », confie à l’AFP l’un de ses proches collaborateurs. « J’ai parfois l’impression qu’il n’a confiance en personne ».

Féru de religion, ce président célibataire est aussi connu pour être un homme à femmes, et a eu de nombreux enfants et petits-enfants. Il est lui-même issu d’une fratrie qui pourrait s’élever à plus de 50 frères et soeurs.

L’histoire mouvementée de la dynastie Gnassingbé a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre.

– Sécurité –

L’un de ses demi-frères, Kpatcha, qui fut son ministre de la Défense, est toujours détenu dans une prison de Lomé après un coup d’Etat manqué en 2009. La famille reste profondément divisée et beaucoup n’ont cessé de dénoncer « un coup monté » pour évincer son rival.

Toutefois, ces dernières années, perturbées par d’importantes manifestations, ont montré que le chef de l’Etat peut compter sur de solides soutiens à l’intérieur, avec au premier chef l’armée, mais aussi sur la scène internationale et régionale.

Le Togo n’a pas connu le sursaut de croissance attendu, stagnant aux alentours de 5% ces dernières années, le niveau de pauvreté reste très élevé, mais il a su, malgré les controverses, faire voter une révision constitutionnelle qui lui permettra de se représenter pour un cinquième mandat en 2025.

Dans une région où la pression jihadiste est « très forte » selon ses propres mots, le président-candidat a axé sa campagne sur les risques de voir l’instabilité du Sahel se propager vers le Togo, une crainte partagée par la France, ex-puissance coloniale et allié traditionnel, et par ses voisins de l’Afrique côtière.

Alors qu’il visitait cette semaine les postes de l’armée sur la frontière avec le Burkina Faso, Faure Gnassingbé a posé en père de la nation, appelant « les populations, les leaders religieux, et les chefs traditionnels » à ne pas se soulever contre les forces de défense et de sécurité.

« Notre principale richesse c’est la stabilité et la sécurité, si nous perdons cela tous nos projets de développement seront compromis et remis en cause », a-t-il prévenu dans un entretien avec l’AFP. « Il nous faut tirer les leçons de ce qui se passe ailleurs ».

Iran: une opposante féministe dénonce des élections « sans espoir »

Elle a cru le régime iranien capable de changer mais aujourd’hui ne le pense plus. A la veille de législatives dans son pays, Shaparak Shajarizadeh, militante en exil des droits des femmes iraniennes, appelle ses concitoyens à ne pas voter.

« J’ai fait partie de ceux qui avaient des espoirs de changement, mais aujourd’hui nous n’avons le choix qu’entre deux maux », estime-t-elle dans un entretien à l’AFP à Genève.

Les réformateurs et les conservateurs, censés offrir un choix politique aux électeurs de la république islamique, « ne sont que les deux faces de la même pièce », estime, désabusée, Shaparak Shajarizadeh, 44 ans.

En conséquence, elle fait « campagne pour demander aux gens de ne pas aller voter ». Les Iraniens « ont perdu tout espoir », notamment depuis la répression sanglante l’an dernier d’une contestation née d’une hausse du prix de l’essence, estime-t-elle.

De fait, les invalidations massives de candidatures réformatrices et modérées risquent de transformer le scrutin de vendredi en un affrontement entre conservateurs et ultra-conservateurs.

Elle avait pourtant cru aux promesses de changement du réformateur Mohammad Khatami, président de 1997 à 2005, avant que ses espérances ne s’évanouissent.

Aujourd’hui, elle préfère qualifier le président Hassan Rohani, élu en 2013 et réélu en 2017 pour un dernier mandat de quatre ans, de « soi-disant réformateur ». Et ne se prive pas de traiter de « menteur » celui que nombre de chancelleries considèrent pourtant comme un pragmatique et un fragile rempart face à l’aile la plus dure du régime.

De passage en Suisse, elle a reçu mardi un prix remis par le Geneva Summit for Human Rights and Democracy, organisé par 25 ONG, pour sa défense des droits des femmes en Iran, une cause pour laquelle elle a été « emprisonnée, battue et brutalisée ».

La vie de celle qui se définit comme une « femme ordinaire, qui ne faisait pas de politique » a basculé en 2018, quand elle est arrêtée à plusieurs reprises et détenue pour s’opposer au port du voile islamique.

Son crime: être descendue dans la rue cheveux au vent, son foulard au bout d’un bâton. Son combat devient alors celui de celles que l’on appelle « les filles de la rue de la Révolution », du nom d’une grande artère de Téhéran, opposées à l’obligation de cacher leur chevelure en public.

– « Ils font ce qu’ils veulent » –

« Dans le tribunal, on ne vous laisse même pas parler à votre avocat, on ne fait que vous réciter des accusations inventées et on vous jette en prison. Ils font ce qu’ils veulent », raconte-t-elle.

Elle choisit alors de s’enfuir en traversant à pied la frontière montagneuse avec la Turquie, la tête couverte pour ne pas attirer l’attention.

Elle vit aujourd’hui au Canada, à Toronto, avec son mari et leur fils de 11 ans, d’où elle continue à militer activement pour les droits des Iraniennes. A commencer par celui d’enlever le foulard imposé aux femmes par le régime islamiste, issu de la révolution khomeyniste de 1979.

Désormais figure de la contestation féministe, elle apparaît en 2018 dans une liste des 100 femmes les plus influentes du monde réalisée par la BBC.

Elle témoigne de son combat dans un livre, « La liberté n’est pas un crime » (ed. Plon), écrit avec la journaliste canadienne Rima Elkouri, et enchaîne témoignages, interviews et conférences.

Son avocate, Nasrin Sotoudeh, porte-voix de la contestation et des droits des femmes en Iran, lauréate du Prix Sakharov du Parlement européen en 2012, est aujourd’hui en prison.

Pour changer le cours des choses en Iran, Shaparak Shajarizadeh prône des « sanctions ciblées » contre les responsables du régime, mais épargnant la population déjà éprouvée par une situation économique désastreuse, aggravée par l’embargo total décrété par les Etats-Unis.

« Il faut viser des personnes précises, pas alourdir encore les difficultés du peuple », souligne-t-elle.

Mais pour elle, ce sont surtout les mouvements issus de la société civile, en particulier la mobilisation contre le code vestimentaire islamique imposé aux femmes, qui feront bouger le pays.

« Les vraies héroïnes, ce sont les femmes qui refusent de porter le foulard », assure-t-elle.